Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.
Lundi 24 Mars 2014 :
Islande. Terre d’aventures. Un pays aux paysages magnifiques qui rappellent tant de souvenirs.
Quatre ans auparavant, je débarquais ici pour la première fois, la tête pleine de rêves et l’impatience d’un gamin à Noël. Sans expérience aucune, je m’élançais dans les coins les plus reculés du pays en quête d’expériences. L’apprentissage aura été aussi violent qu’efficace. Mes nombreuses erreurs passées sont mes fondations d’aujourd’hui. Celles qui m’auront permis de vouloir aller toujours plus loin… et d’en revenir à chaque fois pour en raconter l’histoire.
Cette fois-ci, mes attentes sont différentes. Ayant pour objectif de traverser l’Icecap au Groenland en 2015, je ne recherche plus à réaliser un séjour aléatoire en solitaire, mais une expédition sérieuse nécessitant entraînement et équipement bien particulier. Ma formation d’alpinisme étant en bonne voie, il est désormais temps de chausser des skis. Ou, formulé différemment, il serait grand temps d’apprendre à skier si je veux que ce projet n’ait ne serait ce qu’une infime chance de réussite! J’ai donc attaqué ce matin une mini-expédition de trois jours. Le plan initial était de traverser le glacier Langjökull à ski, non loin de Reykjavik, tout en tirant un traîneau et campant en route. Malheureusement, Mère Nature en a décidé autrement. Mars en Islande, ce n’est pas vraiment le soleil de Californie ; la météo est exécrable ici et toutes les expéditions s’annulent les unes après les autres. Visibilité faible voire nulle, vents violents, alternance de pluie et de neige… camper dans de telles conditions reviendrait à risquer de voir sa tente s’envoler comme un vulgaire sac plastique. La réalité étant que j’aurais malgré tout bien aimé continuer avec ce plan initial. Des conditions aussi mauvaises, c’est exactement ce dont j’ai besoin pour mon entraînement!
J’imagine que j’y serai malgré tout confronté un jour par la force des choses, en attendant, contentons nous du plan B. La météo annoncée sensiblement plus clémente du côté de Landmannalaugar, c’est là bas que nous nous sommes dirigés. L’autre avantage étant que nous bénéficierons ainsi du refuge du fameux chemin de trek pour la nuit.
A environ 6h de route de Reykjavik dans les conditions actuelles, on est parti vers 7h après avoir récupéré l’ensemble du groupe. J’ai été à première vue étonné de l’imposant véhicule nous servant de taxi du jour ; une espèce de 4×4 géant tout customisé tout droit sorti d’un jeu vidéo. A croire que j’en avais oublié comment, quatre ans plus tôt, j’avais déjà été surpris avec quelle aisance les bus surélevés islandais traverser les rivières et autres chemins de montagne… pays d’aventures et de chauffeurs aventuriers!
A 11h, je me plais à me savoir conduit par une telle machine. Le whiteout est total, on ne distingue ni sol ni ciel. Plus de route depuis bien longtemps, juste du vent et de la neige. Le talentueux pilote conduit fenêtre ouverte, lunettes de ski sur la tête. Le véhicule se remplie de flocons, mais malgré tout on semble avancer. Il n’est pas étonnant que les 50 derniers kilomètres nous prennent plusieurs heures. On manque de rester bloqués à plusieurs reprises, traverse différentes rivières jusqu’à finalement apercevoir le toit du refuge dépasser de sa couverture blanche. Robert, guide de l’expédition, nous annonce alors “So close, and yet so far away…”. Il ne pouvait imaginer dire plus vrai. Notre véhicule se retrouve de nouveau bloqué dans la neige avec impossibilité de s’en dépatouiller. On enchaîne avec une demie heure à coup de pelles, l’ensemble de l’équipe réquisitionnée pour nous sortir de là. On finit par en venir à bout sous la satisfaction générale de pouvoir enfin se remettre à l’abri des éléments qui continuent à se déchaîner. Ou pas.
Il est décidé qu’il serait tout aussi bien de terminer la route à ski. Après tout, on est quand même venu là pour ça et non pour rester au chaud!
Mes premiers essais auront été des plus maladroits. Je ne suis pas à l’aise et cela se voit. Sans compter que je n’ai même pas encore de traîneau à tirer pour le moment…
Cela dit c’est un coup de main à prendre, je le sais. Comme toute nouvelle discipline, cela peut prendre du temps. Parfait, j’ai trois jours devant moi! A la fin de cette expédition j’espère bien être paré pour le Groenland ; il va donc falloir s’appliquer.
La récompense de cet après midi tient en deux mots : sources chaudes. La météo a beau être lamentable, le refuge offre le luxe d’être situé à 100m d’une piscine naturelle à l’eau deux fois plus chaude que celle des Caraïbes. Encore faut il s’y rendre et en revenir! Les Islandais y vont pieds nus, peut importe la hauteur de neige à traverser en route. Pour ma part ce sera chaussures, short de bain, petite veste et mes jambes pour courir… car il continue de neiger et je n’ai qu’une seule envie, c’est de me jeter dans l’eau bouillante! La baignade est un régal. Le paysage est magnifique. Il gèle dehors et je transpire dans l’eau ; cette trempette n’a pas de prix.
Une fois sorti, c’est un retour en courant au refuge avant de risquer l’hypothermie.
La soirée aura été relativement calme. Vu le peu d’effort journalier, je n’ai presque pas l’impression de mériter les pâtes saumon fromage que l’on dévore plus que de raison ce soir. Mais bon, il serait malpoli de refuser!
Sans compter que demain sera sûrement un peu plus sportif ; le vent est sensé faiblir dans la nuit. Affaire à suivre!
Mardi 25 Mars 2014 :
Pourquoi paye-t’on un guide ? Qu’attendons nous de lui ? Ce n’est pas la première fois que je m’interroge sur la question au cours de mes aventures. Personnellement, si je fais appel à une personne expérimentée pour m’accompagner, c’est que je m’attends à vivre une aventure. Et je suis entièrement disposé à la vivre, à pousser mes limites. A entreprendre ce que je n’aurai pas pu faire seul pour des raisons de sécurité ou d’expérience. En tant que tel, l’excursion du jour a répondu à mes attentes avec grand succès. Ce qui, pourtant, est loin d’être l’avis de mes quatre compagnons de voyage.
De leur point de vue, un guide doit connaître le terrain comme sa poche, être capable de donner des estimations à la minute prés, voire presque avoir une motoneige pliable dans son sac à dos, toujours disponible en cas de petite fatigue du client!
Forcément, quand on se retrouve en plein whiteout à chercher notre chemin et qu’au bout de la septième heure de ski on tente de suivre une rivière “dans l’espoir” qu’il s’agisse du meilleur itinéraire pour rentrer au refuge, après avoir essuyé des passages quelque peu sportifs juste avant… ce n’est pas du goût de tous ! De mon côté ? Je me régale.
C’est exactement ce que j’attends d’une telle aventure : être incapable de prévoir ce qui va arriver, tout en s’amusant en apprenant et en réalisant des choix aussi responsables que possible pour assurer la survie de l’ensemble du groupe. Au moins on sort ici des sentiers balisés qui sont trop souvent d’un ennui prévisible, en créant au contraire plein de souvenirs aussi inattendus qu’exceptionnels.
Ce soir, la baignade en source chaude s’apprécie d’une toute nouvelle manière. Tout comme le dîner qui cette fois-ci est amplement et délicieusement mérité après plus de 8 heures de ski.
Je n’ai vraiment rien à reprocher à cette journée, si ce n’est mon niveau qui manque encore clairement de pratique. A plat aucun problème, j’ai pris le coup de main. Par contre lorsqu’il s’agit de monter ou de descendre, je tombe bien plus souvent que je n’avance! Et je m’estime heureux que les peaux de phoque permettent une adhérence supplémentaire, autrement ce serait juste impraticable.
Le refuge prend vie ce soir avec de nouveaux groupes ayant fait leur apparition. Des français sirotent une bonne bouteille de vin pendant que des russes chantent à tue-tête… sûrement autour d’une bouteille de vodka. Cela ne devrait pas m’empêcher de trouver le sommeil, car lui aussi, je pense qu’on l’aura mérité ce soir.
Après m’être offert le luxe d’un film avant de dormir – la magie des smartphones – je commence à sombrer dans les abysses de Morphé quand l’ensemble du dortoir s’agite autour de moi. “Northern lights! Northern lights!”
Nos deux libanais qui espéraient qu’une chose, avoir la chance d’observer des aurores boréales, se voient eux aussi récompensés de leurs efforts. Après quelques hésitations – j’étais bien au lit… – j’enfile mes chaussons de neige, une veste, attrape mon appareil photo et file dehors. Le spectacle est magique.
Un voile de lumière verdâtre danse au dessus de nos têtes, changeant d’une minute à l’autre, tels les différents mouvements d’une chorégraphie. Je m’essaye à quelques clichés nocturnes, mais à défaut d’avoir un pied de caméra, je me retrouve avec une séquence d’images floues. Qu’à cela ne tienne… mes plus beaux clichés sont dans ma tête.
Je retourne me coucher.
Mercredi 26 Mars 2014 :
La météo ce matin n’est pas des plus clémentes. Tout cela n’encourage pas vraiment les troupes à reprendre les skis pour une dernière traversée, surtout après le cocktail émotionnel de la veille. Ils se contenteraient bien d’une journée lecture avec un bon thé chaud. De mon côté, cela me frustre assez rapidement. Alors oui, comme tout le monde, mon corps souhaiterait se reposer. Mes jambes sont douloureuses après m’être découvert de nouveaux muscles… Mais sérieusement! Au prix de l’excursion, pratiquement 1000 euros, on va réellement se contenter d’une balade d’une journée ? Sans compter que je suis là pour m’entraîner, douleurs ou pas. Le groupe parvient finalement à se motiver et sur les coups de 11h, on décolle pour une dernière virée de deux heures. De quoi finir sur une note positive!
On teste ainsi les skis sans peau de phoque, les conditions de neige étant plus favorables qu’hier. On profite ainsi d’une meilleure glisse. On essaye également de prendre plus confiance dans les descentes ou le taux de chute réduit… un peu. Pas de quoi s’emballer pour autant, tout cela est encore loin d’être acceptable, mais petit à petit…
Notre chauffeur nous récupère finalement à 16h et une demie heure plus tard on se retrouve coincés sur la glace avec un moteur qui surchauffe, fumant comme un pompier. A défaut de réserve d’eau, après avoir vidé toutes nos gourdes dans le radiateur du véhicule, on sort le réchaud de camping pour faire fondre de la neige. Une heure plus tard, l’engin de l’enfer accepte de repartir.
Des conditions beaucoup plus favorables qu’à l’aller nous permettent d’apprécier la beauté des paysages lunaires enneigés et notre retour dans la capitale vers 22h se déroule sans autre empêchement.
Au final, je m’avoue ravi de cette petite expédition / mise en bouche pour le Grand Nord. J’ai pu faire mes débuts à ski et apprécier à quel point la répartition du poids permet de traverser neige et glace en douceur là où on s’enfoncerait à coup sûr autrement.
L’équipe était des plus sympathiques malgré le fait qu’ils se soient quelque peu trompés sur la nature du séjour qu’ils ont réservé ; un peu trop d’aventures ! Quant au guide, Robert l’Islandais, il a su nous ramener en vie au refuge tout en nous faisant vivre de vraies expériences. Que ce fut volontaire ou pas, j’en aurai profité plus que de raison.
Désormais, il n’y a plus qu’à voir ce qu’il en sera au Groenland!