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Archive for the ‘2014 : Greenland’ Category

Exploratory Greenland Mountaineering Expedition 2014

22 Aug 14

Il est difficile d’imaginer beaucoup d’endroits sur terre qui ne sont pas encore marqués par le passage de l’homme. En particulier lorsqu’il s’agit de randonnée ou d’alpinisme. Les routes sont nombreuses, les touristes présents, les refuges pleins à craquer, au point de devoir faire la queue et se plier à des horaires bien définis quand on souhaite grimper un sommet dans les Alpes. Le Groenland échappe encore à cette règle.
De grands espaces sauvages et inexplorés, l’absence de permis et une fréquentation quasi nulle font de ce pays un petit coin de paradis pour les aventuriers. C’est donc sans surprise que j’y suis retourné cet été, pour la troisième fois consécutive.

En quête d’alpinisme traditionnel, les fjords du sud-est constituent un terrain de jeu idéal. La majorité des sommets ont ni été grimpés ni nommés, et pour preuve, nous avons retrouvé qu’une seule trace d’expédition passée dans la région ; une équipe allemande en 2010. De là à dire que l’on vient ici pour refaire toute la cartographie à notre image, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas. L’objectif étant de s’amuser en profitant du paysage, on reviendra plus tard pour les motivations égocentriques.

L’ensemble de l’équipe s’est rassemblé à Kulusuk, petit village inuit sur l’île du même nom. Charles (42 ans, US), Shae (44 ans, UK), Shawn (35 ans, US) et moi même (27 ans, FR) avons retrouvé Matt (34 ans, UK), ex-marines et talentueux guide de haute montagne. Fondateur de Pirhuk, spécialisé en expeditions polaires depuis une quinzaine d’années, il est probablement l’homme le plus qualifié du pays pour aller gambader sur la glace.

Yustus, chasseur local dont les papilles vibrent pour le dauphin et la baleine, nous embarque pour 1h30 de bateau afin de nous déposer au cœur d’un fjord, nez à nez avec un gigantesque glacier. Si il y a bien autre chose avec lequel on a des chances de se retrouver nez à nez ici, ce sont les ours polaires, donc la prudence est de mise. Il ne s’agit néanmoins pas du seul danger.
On identifie l’emplacement idéal pour notre campement de base ; suffisamment loin des montagnes pour réduire les risques de chute de rochers, mais pas trop près de l’eau à cause de la marée montante et des potentielles vagues provoquées par l’effondrement continuel du glacier. Sur une zone aussi plate que possible… avec un maximum de soleil. Autant dire qu’il s’agit plutôt de trouver le meilleur compromis. Nous installons 3 tentes pour dormir, ainsi qu’une tente communale pour manger. Les premières sont ensuite entourées d’un “trip wire”, un cable alarme ayant pour but de détecter la visite de l’animal blanc pendant notre sommeil. Pour limiter les risques, nous ne mangeons pas là où nous dormons et l’ensemble de la nourriture sera enterré ou enfermé en baril hermétique chaque soir pour que tout fouineur aille fouiner ailleurs que dans nos sacs de couchage tout en, idéalement, ne parvenant pas à voler notre bien premier.
On n’en reste pas là avec les moyens de défense. Matt dispose d’un fusil gros calibre qui ne le quittera jamais et restera armé la nuit, prêt à faire feu. Chaque tente possède également un pistolet à fusée éclairante que nous aurons toujours sur nous, notamment lorsque nous nous aventurerons pour faire notre offrande fécale à la montagne. Le feu d’artifice lumineux ayant été prouvé efficace pour effrayer les ours polaires, il se révèle être également accessible à n’importe qui à l’inverse d’une vraie arme.
Si tout ceci peut paraître exagéré, je me plais à croire que la valeur de nos vies en justifie la raison.

L’avantage d’avoir été déposé en bateau pour monter un campement de base tout près est que nous n’avons pas eu de contrainte de poids. On s’est donc fait plaisir à s’offrir le luxe d’emporter une grande quantité de nourriture, boissons, chaises, panneaux solaires, et autres éléments non essentiels à notre expédition mais efficace quand il s’agit de donner un air de vacances et de plaisir à notre séjour.

Basecamp in the fjord with icebergs, Greenland

Glacier, Greenland

Dix jours complets. Il s’agit du temps que nous avons pour explorer le coin. Par exploration j’entends que personne, y compris notre guide Matt, connaît les environs. Tout ce que nous avons est une carte pas très détaillée – mais malgré tout étant le mieux que l’on puisse trouver ici -, une boussole, GPS et un belge que l’on contactera par téléphone satellite tous les deux jours pour avoir les dernières prévisions météorologiques sur les 3 jours suivants. Pourquoi un homme du pays de la bière ? Simplement car il est sensé être le meilleur et qu’il renseigne l’ensemble des équipes dans l’Arctique et l’Himalaya.

Notre objectif premier est d’effectuer une reconnaissance du terrain. Le glacier face à nous protège de nombreuses montagnes. Nous devons trouver un accès facile à travers et identifier nos objectifs de grimpe pour les deux semaines à venir. Qui dit glacier, dit également crevasses et risque de chute. Même si cela reste fortement improbable quand on peut les voir, le danger devient considérable quand les trous sont encore recouverts de la neige du printemps passé.
Notre première journée sur le terrain nous offre l’occasion de revoir les techniques de sauvetages en crevasse, afin de mieux se préparer à toute éventualité.
L’ascension du glacier est longue et sinueuse, à se retrouver régulièrement dans des culs-de-sac, forcés à faire demie tour pour trouver un meilleur passage dans cette mer de glace. Néanmoins, au fil du séjour, nous augmentons notre maîtrise du terrain et chaque nouveau sommet nous permet de mieux nous familiariser avec notre environnement, réduisant notre temps de traversée de glacier à quelques heures.

A propos de sommets, le premier réalisé nous permet d’identifier de là haut différents coins que nous avons envie d’explorer. La vue entre les fjords et les montagnes est imprenable. Seuls au monde, on savoure nos efforts dans un cadre magique.
Malgré de nouveaux raccourcis trouvés de jour en jour, grimper en partant du campement de base nous force à effectuer de bien longues journées. Pour faciliter notre tâche et rendre l’expérience plus agréable, nous avons au cours du périple adopté deux campements avancés. L’un se situant en haut d’une falaise où vient se jeter une cascade, nous offrant un magnifique spectacle sur le coucher de soleil. L’autre à même la neige, sur le glacier en lui même. Ces emplacements stratégiques nous permettent de réduire de 5 à 6 heures notre temps de marche quotidien, afin d’explorer des coins plus reculés tout en profitant au mieux de l’expérience. Même si cela veut dire commencer à marcher à 6h du matin dans le froid, en attendant impatiemment la chaleur de l’astre solaire, on peut malgré tout s’offrir le luxe d’une sieste une fois arrivé en haut, et d’un après midi tranquille.
Pour de tels campements, on voyage léger et transporte uniquement la tente communale qui sert d’espace repas et repos pour l’ensemble de l’équipe. Certains préfèrent malgré tout dormir à la belle étoile. De mon côté, j’avoue apprécier le luxe d’un toit et d’un peu de chaleur avant une journée d’exercices.

Bivy spot, advanced camp in the mountains, Greenland

Moon rise, Greenland

Bivy spot, advanced camp, glacier, Greenland

Venir dans de tels endroits, c’est aussi chercher a reposer son esprit et son corps, en déconnectant complètement du reste du monde. L’expérience ne serait pas complète si on ne s’autorisait pas des jours entier de repos pour simplement profiter de l’instant. Nous en prenons donc trois pendant le séjour, au campement de base. Un après la première ascension, un deuxième après trois jours passés au premier campement avancé puis un dernier avant de partir.
L’occasion de faire une grasse matinée, mais aussi de se doucher. Sous le regard surpris de mes compagnons, je m’essaye aux baignades glacières entre deux icebergs. Le moment est douloureux à la vue de la température de l’eau mais je ne peux qu’apprécier le sentiment de bien être qui s’en dégage.
Ces journées détente nous permettent également de savourer de longs repas qui ne soient pas de la nourriture lyophilisée. Avec des pierres et du sable, le réchaud au centre, on improvise un four traditionnel. De la farine, du sel, de l’eau et de la malaxation à la française nous donne une pâte à pizza. Une petite bouteille de Sauternes que j’avais apportés pour l’occasion avec un bloc de foie gras. Des tomates, oignons, du fromage et autre saucisson. Nous voilà à savourer un festin jusqu’à sentir la peau de notre ventre bien tendu et se laisser entraîner dans une sieste au soleil, en bord de fjord.

Charles resting in the mountains, Greenland

La belle vie ne nous empêche pas de pousser dur quand il s’agit d’atteindre des objectifs. Bien au contraire, c’est d’autant plus d’énergie pour accomplir nos efforts. Certaines parois de glace donnent le vertige, et c’est avec attention permanente que l’on doit affronter le terrain. Nombreux sont les cas où nous n’avons tout simplement pas le droit à l’erreur. La moindre chute pouvant s’avérer fatale, à la fois pour nous, mais aussi pour notre co-équipier avec lequel on est encordé. Si Matt fonctionne avec Charles et Shawn sur la même corde pour assurer leur survie, on a de notre côté souvent travaillé avec Shae sur une corde à part, du fait de notre expérience un poil plus avancée. Si la satisfaction de la confiance est présente, cela accentue d’autant plus notre interdiction d’erreur. Pour nous rassurer dans notre aventure, Matt nous rappelle régulièrement “Just don’t fall. If you fall here you’re a moron. You can’t afford to fall”. J’imagine que c’est son côté marines qui s’exprime dans ces moments. Soit. Je n’avais jamais eu l’intention de tomber de toutes façons. Tout comme je n’ai pas l’impression d’être un “moron”. Donc j’imagine que je peux me sentir rassuré et que tout ira bien, même lorsque mes pas sont timides et la pente raide !

Shae climbing, Greenland

Matt, sun bath, Greenland

Shae and Matt, climbers, Greenland

La dernière ascension du séjour aura malgré tout été annulée. Une couverture nuageuse s’est installée dans la nuit précédent l’effort, maintenant les températures aux environs de zéro, ce qui se révèle insuffisant pour geler suffisamment la neige qui nous entoure. Dans ces conditions, Matt et Shawn tombent chacun leur tour dans des crevasses une fois en route. Sans danger, car stoppés à la taille, cela témoigne malgré tout des risques. En poussant plus loin et voyant que les conditions de ne s’améliorent pas et ne peuvent qu’empirer au fil de la journée et du réchauffement des températures, Matt prend la sage décision de faire demie tour.
Il est si tristement courant de voir des alpinistes pousser pour le sommet sans rester attentifs aux signes environnants, aveuglés par un désir de victoire… que c’est avec respect et admiration que nous rebroussons chemin.
Ce séjour se place au delà de l’aventure comme une vraie leçon d’exploration en milieu polaire et alpin. Je suis ravi de voir que notre apprentissage est réalisé avec un tel sérieux et considération pour le challenge, mais aussi une conscience du risque et évaluation de son importance.

Nous ne repartons pas insatisfaits pour autant. Les cinq-six sommets que nous avons grimpés au cours de ces deux semaines ont tous été remarquables, avec un coup de cœur particulier pour le dernier. Bouclé par l’escalade d’un pic rocheux, nous offrant une vue magnifique sur les fjords, visible au loin, même au cours de notre voyage retour en bateau, le goût de telles sensations restera marqué dans ma mémoire pour des expéditions à venir.

View from the summit, mountains, fjord and ocean, Greenland

Un tel cadeau a un prix. Il ne faut pas oublier que nous évoluons dans un environnement sauvage et reculé qui doit être considéré en tant que tel. Au cours de notre aventure, une équipe allemande réalisant une autre expédition dans la région s’est faite attaquer par une maman ours polaire avec ses deux petits. Ils n’avaient ni trip-wire, ni arme avec eux. Tout ce qu’ils avaient étaient une bombe de pepper spray. Car sois disant, il n’y a pas d’ours ici, alors que les locaux en voient tous les ans. A un mètre de la bête, ils ont vaporisé le produit, et s’en sont miraculeusement sortis indemne alors que les trois géants blancs ont pris la fuite en les épargnant.
Un tel comportement est inadmissible. De plus en plus d’organisations proposent des expéditions dans le pays sans avoir aucune expérience en la matière, ni de prise de conscience et respect du risque. Cette insouciance coûte chère. Le prix est bien souvent ultime.

Il ne fait aucun doute que je retournerai au Groenland dans les années à venir. Je ne suis pas prêt à me lasser de la magie des lieux. Si d’autres prévoient de s’y aventurer, je ne peux que leur souhaiter le plaisir et la grandeur d’une telle expérience. En n’oubliant pas que cette terre ne nous appartient pas, mais qu’elle nous accueille. Il est donc important de la traiter avec le respect qui lui est dû. Pour sa survie, mais aussi pour la notre.

Puppy Greenland Sledge dog, Husky in Kulusuk

Sunset on the ocean of icebergs, Kulusuk, Greenland

 
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Posted in 2014 : Greenland the 22nd of August, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 7 / 7 – We’re going home

07 May 14

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Vendredi 11 Avril 2014 :
La nuit dernière, juste après en avoir terminé avec mes récits du jour, je suis allé honorer mon habituelle mission d’apporter le pistolet à fusées éclairante dans la tente voisine, en guise de passage de relais pour la surveillance nocturne. Je savais que la tempête faisait rage, mais n’ayant littéralement qu’un mètre à faire, je ne me suis pas alarmé. Mes idées ont rapidement était rafraîchies lorsque je me suis rendu compte que je ne voyais même pas à 10 cm une fois dehors ! Le temps de creuser dans la neige à main nu pour ouvrir la porte ensevelie sous la poudreuse et livrer mon dû… j’étais de retour au plus vite, tremblant incontrôlablement. Je n’ai pas tardé à me faufiler au chaud dans mon sac de couchage et quelques secondes plus tard j’appréciais à nouveau les plaisirs d’une nuit sous les tropiques. Ce duvet pour moins quarante est un régal absolu de chaleur!
Jusqu’à l’aube, le vent n’aura pas cessé son acharnement contre notre abri de toile, qui surprenamment n’aura pas faibli d’un iota. Le temps de lever le camp, le souffle s’éteint. Les éclaircies reprennent possession des lieux. Ciel bleu et grand soleil nous offrent une confortable dernière traversée. C’est à peine deux heures plus tard que l’on arrive à Kulusuk, entre chiens de traîneaux, motoneiges et enfants sortant d’école.
La fin d’une expédition.
Une bonne douche chaude tous ensemble dans la salle de bain commune du village et un dîner non déshydraté cette fois-ci, mais toujours accompagné de vin rouge, pour célébrer notre retour à la vie moderne. Le Groenland n’a rien perdu de sa magie. Je suis reconnaissant d’avoir pu vivre une telle variété de conditions climatiques en si peu de temps et d’avoir pu partager de tels moments avec une équipe aussi passionnante. Un excellent apprentissage donc, qui ne demande qu’une nouvelle aventure pour repartir… !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 07th of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 6 / 7 – To the glacier and beyond

06 May 14

Next episode to be released on May 7th, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Jeudi 10 Avril 2014 :
1h15 du matin, le 11 Avril. Je profite une fois de plus de mon tour de garde “Bear Watch” pour mettre à jour ce journal avec les aventures de la veille. Au moins je m’assure de rester éveiller. La tempête s’est levée et le vent fait rage dehors. On a beau avoir construit un mur de glace aussi solide que possible, des blocs de plus de 30cm d’épaisseur, le tout montant environ à 1m70 de haut… on se croirait au beau milieu d’un tambour de machine à laver. Avant d’aller me coucher j’ai eu le plaisir de m’aventurer pour une session toilettes en plein air ; toutes mes selles étaient recouvertes de neige avant que je n’ai eu le temps de remonter mon pantalon ! Dans de telles conditions, je ne me suis pas vraiment attardé à regarder le paysage de peur de finir transformé en yéti.
Calmée dans la nuit, la nouvelle journée commence en douceur. Le rapport météo de la veille nous ayant cependant informé d’intempéries à venir, nous avons levé le camp rapidement pour rejoindre notre prochain point de chute au plus vite. Les températures de la nuit nous avait offert une neige des plus agréables. On profite même de quelques descente de cols pour faire des sessions de luge endiablée. Cela se termine pratiquement toujours en roulé-boulé, mais sans dégât aucun, on s’amuse bien.
La brise se levant progressivement, on passe de l’admiration des mini-tourbillons aux sommets des montagnes voisines, jusqu’à se retrouver dans des vents de plus de 80km/h. Le déchaînement de Mère Nature nous aura fait basculé plus d’une fois avec nos traîneaux.
Campement à deux heures du village ; la fin de l’expédition est proche. Cela devrait être intéressant demain matin en tous cas si la tempête ne s’est pas calmée d’ici là…

Leaving camp, Greenland

 
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Posted in 2014 : Greenland the 06th of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 5 / 7 – Crossing the sea ice

05 May 14

Next episode to be released on May 6th, 2014.

Dog team in the mountains, Greenland

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Mercredi 9 Avril 2014 :
Quelle journée ! Des conditions parfaites. Il est difficile d’imaginer qu’il y a encore quelques jours on été dans un blizzard complet. Et pourtant ! Des températures négatives, ciel bleu jusqu’à l’horizon, grand soleil… on glisse à merveille tout en profitant d’excellentes vues sur les fjords. Au début du voyage j’étais quelque peu déçu d’apprendre qu’on ne ferait pas une boucle, rebroussant chemin à mi-parcours. Néanmoins, considérant le changement météorologique, c’est comme si nous découvrions de tout nouveaux paysages. Je profite de pouvoir filmer et photographier autant que possible. Je sors mon gros appareil et j’enchaîne les allez-retour, skiant autour du groupe, cherchant les meilleurs clichés.

Mirek alone on the sea ice, Greenland

Sea ice crossing with iceberg, Greenland

Sun and the mountains, Greenland

Smiling Eric and Mariano, skiing, Greenland

Après une quinzaine de km, on monte le camp sur un lac gelé. Creusant l’habituel fosse de la cuisine dans chaque tente – histoire d’augmenter l’espace de la pièce – j’arrive au niveau de l’eau après à peine 50cm. Surpris, et sous les conseils de Dave, je rebouche délicatement et n’irai pas plus profond. Faisons comme si personne n’avait rien vu ! Et espérons de ne pas finir parmi les poissons au milieu de la nuit…

Tents behind the snow wall at sunset, Greenland

Les toilettes de Geoff profitent d’un tel terrain pour atteindre le niveau de confort maximal, offrant un système d’évacuation à eau. On se croirait presque à la maison !
Dormant avec l’ami Mariano cette nuit, il me sort en plein milieu de la discussion “Are you training a lot … or are you just a natural beast ?” Heureusement que je sais que nous sommes tous les deux casés et non pas désespérés d’être partis depuis des années… sinon je me poserais des questions ! C’est donc flatté que je m’offre tout simplement une nouvelle tournée d’M&M’s et autres bonbons avant de me faufiler bien au chaud dans mon sac de couchage. -12 degrés pour la nuit, on n’arrête plus avec les bonnes nouvelles.

Flush toilet, Greeland

 
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Posted in 2014 : Greenland the 05th of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 4 / 7 – I can see the light

04 May 14

Next episode to be released on May 5th, 2014.

Sun Salutation, Greenland

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Mardi 8 Avril 2014 :
Des températures positives. De la poudreuse tout autour de nous. Une friction maximale, un taux de glisse quasi nul … et pourtant je me suis régalé à longueur de journée… car enfin il fait soleil !
Pour la première fois depuis le début du voyage, au point que l’on ne s’était pas rendu compte comment cet endroit pouvait être magnifique. Je n’ai cessé d’admirer la vue. Photos et vidéos par dizaines.

Dave and Mariano, Nordic Skiing with pulks, Greenland

Dave checking the map, Greenland

Setting up camp, Greenland

On n’oublie évidemment pas dans ces conditions l’apéritif dehors ce soir avec toute l’équipe. Cela deviendrait presque une habitude, mais avec le coucher de soleil sur la montagne, on se devait d’ouvrir une nouvelle bouteille de rouge. Surtout quand c’est offert par l’ami argentin Mariano. Que le département de prévention de l’alcoolisme se rassure, notre stock est désormais épuisé. Heureusement que nous ne sommes qu’à trois jours du village !
Un ciel dégagé et des températures en baisse étant de bonnes augures pour demain ; nous n’avons rien de plus à demander.

Wine, Cheese and Marmite, delicacies in Greenland

Sunset on the mountains with the sleeping dog teams, Greenland

 
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Posted in 2014 : Greenland the 04th of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 3 / 7 – White Out, Red Inside

03 May 14

Next episode to be released on May 4th, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Beauty of Greenland : from the cloudy mountains to the sea ice

Team with pulkas making a break between the mountains, Greenland

Dimanche 6 Avril 2014 :
La tempête n’aura finalement pas eu lieu. On en aurait presque eu envie pour justifier de rester plus longtemps au campement… mais non, il faut se faire à l’idée que toute l’énergie passée à la conception de notre village de glace est à oublier chaque matin pour être recommencé de zéro à un nouvel endroit. On n’aura pas traîné des skis aujourd’hui. Parti à 9h50 dans le vent et la neige, on atteint destination après 19km sur les coups de 16h. Une arrivée dans le calme le plus total, avec la chance d’avoir même pu bénéficier de quelques timides mais présentes éclaircies en route, entre cinq couches nuageuses. La traversée d’une grande portion de banquise nous permet d’apprécier de gigantesques icebergs emprisonnés dans la glace. C’est non loin de notre plus belle pièce que nous dormons d’ailleurs ce soir. Nous l’avons baptisée “Moby-Dick” pour la ressemblance avec la fameuse baleine.

Moby-Dick the iceberg, Greenland

Au fur et à mesure des campements et de notre expérience, on improvise de nouvelles commodités. Après l’apparition des marches d’entrée et d’une pancarte de bienvenue, le tout évidement en glace, j’ai essayé ce soir la construction d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant jusqu’à la cuisine de notre tente. Jugé au final dangereusement glissante par notre guide Dave, je n’en démords pas pour autant. Son utilité est irréprochable considérant que Geoff fait tourner sa bouteille de rouge ce soir ; nul ne sait comment toute cette histoire va se terminer ! De la même manière, le voyageur australien a également réalisé nos plus beaux toilettes à ce jour ; dossier tout confort et repose bras pour apprécier la vue sur Moby-Dick tout en étant sur le trône… un plaisir d’aller y faire sa petite affaire !
A noter que nous commençons vraiment à avoir une bonne dynamique et ambiance de groupe, rendant l’aventure aussi amusante qu’agréable. Mes deux talons sont encore remplis d’ampoules, mais je les protège soigneusement de bandages chaque matin.
Repas consistant ce soir et projection de film sur smartphone ; cela aura été bien mérité. Eric l’océanographe me tient compagnie pour la nuit. Le grand luxe d’ailleurs, car il est accompagné d’une peau de caribou que l’on peut mettre sur le sol de notre cuisine pour ne pas avoir froid à nos petits pieds en faisant bouillir de l’eau. D’ici la fin du séjour, en continuant à ce rythme, on devrait avoir un campement cinq étoiles !

Tents by night, Greenland

Lundi 7 Avril 2014 :
Blanc. Et du blanc. Puis encore du blanc. Le monde qui m’entoure aujourd’hui n’est rien d’autre que blanc dans le soit disant pays vert (Greenland). On remerciera Erik le Rouge pour son coup marketing en espérant rendre l’endroit plus attractif que le pays de glace (Iceland)… il y a plus de 1000 ans déjà! Mais tout est il que nous sommes en plein whiteout. Comparé à hier, les conditions sont lamentables. “Chaud”, à savoir au dessus de zéro, humide… la neige n’est qu’un mélange de poudreuse sur des kilomètres à la ronde. On ne glisse pratiquement pas, chaque avancée demandant le double d’effort. Malgré nos objectifs de 22 km, on se résigne à monter le camp après 15. C’est donc là aussi loin que nous aurons pu aller, demain marquant déjà le début de notre chemin retour. On ne se laisse pas abattre pour autant, et c’est dans la tente que l’on fêtera notre point le plus au Nord. Partageant les lieux avec Dave, on héberge ce soir une fête un peu spéciale. A six barbus dans une tente pour deux, j’ouvre mon Bordeaux de 2006 porté jusque là pour célébrer ce moment précis. Fromage, saucisson, salami, beurre et crackers viennent accompagner les festivités. La conversation étant naturellement agrémentée de discussions polaires.
Éclaircies espérées demain, avec un -8 degrés la nuit suivante. Voilà de quoi nous remonter le moral après la bouillie neigeuse du jour !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 03rd of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 2 / 7 – A fresh start

02 May 14

Next episode to be released on May 3rd, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Samedi 5 Avril 2014 :
Le calme avant la tempête. Il n’y a pas de meilleure manière que de qualifier cette journée. Les éléments étant sensés se déchaîner une fois de plus cette nuit, nous sommes partis aux aurores dans l’espoir d’arriver à notre destination et de monter le campement avant qu’il ne soit trop tard. Des conditions parfaites en route ; neige ferme et glacée, absence quasi totale de vent ou de pluie, visibilité correcte, un régal. Après 5h30 de ski, dont une partie encordée pour la traversée de glaciers, on pose nos sacs sur les coups de 13h. Plusieurs équipes de chien de traîneaux nous auront fait le plaisir de rencontre ce matin. Mais tout cela n’est rien comparé à la satisfaction de descendre le col montagneux en luge improvisée à l’aide de nos montures respectifs. Pour les grands enfants que nous sommes, il s’agit de la manière la plus excitante – et rapide – d’arriver en bas ! Je profite également d’un temps sec pour me risquer à sortir mon gros appareil et prendre quelques photos ; depuis le temps.

Skiing with a pulk, cloudy day, Greenland

Le montage du camp bénéficie également de conditions favorables. Notre mur protecteur est composé de vraies briques de glaces taillées à la scie et non plus d’une bouillie de poudreuse. Au vue du résultat, on serait presque motivé à se lancer dans la construction d’igloos !
Après midi relaxation sous la tente ; l’avantage des départs matinaux. Changement de partenaire pour varier les plaisirs. Mirek, le polonais de 59 ans, sera donc mon homme pour la nuit. Au programme, discussion cinéma, architecture, vin et physique de l’univers. Cela ne plaisante pas au fin fond du Groenland !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 02nd of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 1 / 7 – Beaten by the weather

01 May 14

Next episode to be released on May 2nd, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Samedi 29 mars 2014 :
L’attente. La météo semble pourtant agréable en Islande d’où nous décollons, mais notre vol pour Kulusuk, Groenland, en n’est pas moins annulé. Les conditions sont sûrement plus déchaînées de l’autre côté de l’océan. Une nouvelle tentative est planifiée pour demain matin ; une journée supplémentaire à l’hôtel en attendant.
Après avoir passé ces dernières heures à se préparer physiquement et mentalement au grand départ, il semble étrange de se retrouver là, bloqué au beau milieu de la civilisation. Je profite de cette parenthèse pour me reconnecter au monde, lire l’actualité, écrire des emails… tout en me déconnectant par la même occasion de mon expédition à venir. Me rapprocher de mon groupe me permet de me remettre dans l’ambiance ; écouter leurs aventures passées me fait voyager avant l’heure.
Mariano est mon nouvel idole. Cet argentin de 33 ans a passé ces dix dernières années sur bateau à organiser des expéditions d’Arctique en Antarctique. Également historien des régions polaires, il est une source intarissable d’anecdotes et autres passionnants récits d’exploration.
Geoff, australien de 60 ans, est un ex-vétérinaire en reconversion dans la mécanique d’hélicoptère. Mirek est un polonais de 59 ans travaillant dans la production industrielle et distribution de Gaz tel que l’oxygène, hydrogène…
Le groupe est complété par Anne, en poste dans l’environnement, et Sharon, physiothérapeute, toutes deux dans la fin quarantaine et en provenance d’Alaska.
L’ensemble de l’équipe semble avoir l’expérience des conditions polaires et de la pratique du ski. Maintenant, tout est de savoir dans quel état physique et psychologique allons nous être après deux semaines sur la glace à tirer un traîneau. J’imagine qu’on devrait bientôt en avoir la réponse si on réussit à partir demain!

Dimanche 30 Mars 2014 :
La météo nous laissant un peu de répit, on a enfin pu faire vol pour le Groenland. Note pour la prochaine fois : penser à rendre les clefs de l’hôtel avant de monter dans le taxi pour l’aéroport… encore heureux que le chauffeur est accepté de bien vouloir jouer les facteurs!
L’arrivée à Kulusuk prend une toute nouvelle ampleur comparé à mon précédent séjour en été. Le village enneigé est de toute beauté. Malheureusement il fait chaud, trop chaud. Des températures positives ne sont pas synonymes de bonnes conditions de ski ; on n’a quand même pas traversé la planète pour venir se mettre en maillot et faire trempête!
Notre guide anglais, Dave, me reconnaît du premier coup à l’aéroport, grâce aux photos que j’avais prises en 2010 lors de ma précédente expédition avec Pirhuk. Il avait d’ailleurs par la suite entrepris le même trek que j’avais réalisé à l’époque avec Émilie, et depuis continué à guider dans la même compagnie aux côtés de Matt et Helen. On sympathise donc rapidement, et du haut de ses 30 ans, il a l’air aussi aimable que professionnel.
Dernières préparations techniques, de quoi se familiariser avec l’équipement, tester tentes et réchauds. L’occasion également de faire la rencontre du dernier membre de notre équipe. Travaillant pour une université de Fairbanks, Alaska, Eric est un océanographe étudiant les bactéries présentes dans la neige. A ce titre il procède à une multitude de prélèvements aux quatre coins de l’Arctique. Nous voilà donc au complet pour débuter nos aventures. Quant à ce soir, on dort à Kulusuk dans une des maisons de Georg, l’amical chasseur Inuit à qui on devait déjà beaucoup de la logistique en 2010.

Kulusuk Sunset, Greenland

Lundi 31 Mars 2014 :
Comment mieux commencer la journée qu’en faisant le point sur le stock de nourriture à emporter avec nous ? Nourriture déshydratée de qualité, fromage, charcuterie, tablettes de chocolats, barres de céréales, biscuits, fruits secs et innombrables remontants… Pirhuk n’a une fois de plus pas lésiné sur les moyens pour nous garder motivés. L’ensemble pèse lourd, mais je prends malgré tout quelques suppléments, y compris un gros bloc de beurre, histoire de me faire plaisir. Cela fait partie de ces moments de l’année où je m’autorise à manger comme trois, sachant que je dépense autant en énergie derrière… ou pas. Mais qu’importe.
Après midi ski, mais sans traîneau pour le moment. 3h30 de vadrouille avec l’ensemble de l’équipe histoire de prendre ses marques et effectuer les derniers ajustements de matériel. Une météo au final assez désagréable avec un vent de face fouettant un mélange de pluie neige du fait de températures trop élevées et des bourrasques menaçant régulièrement de nous faire perdre l’équilibre. Le Groenland ayant la réputation de ne pas faire de cadeau en hiver, j’imagine qu’il s’agit d’une bonne mise en bouche.
Au niveau des performances de l’équipe, Eric et Mariano ont une cadence solide. Anne préparant une course à ski en février prochain a un rythme soutenu. Sharon s’est malheureusement blessée à la main deux jours avant de venir, ce qui semble entraîner des difficultés. A ce stade j’avoue être assez inquiet, cela pouvant représenter un risque pour l’ensemble du groupe si ça venait à empirer. Mirek tient le rythme, un peu en retrait. Geoff suit à l’arrière.
Quant à Dave, en tant que guide, il assure. Pour ma part, je suis ravi d’avoir eu mon entraînement préalable en Islande! Je suis beaucoup plus confiant et à l’aise, tout en parvenant à garder un bon rythme de croisière.
Ma difficulté est néanmoins de ne pas avoir eu la possibilité de tester mes chaussures à l’avance. Elles sont donc aussi neuves que rigides, m’offrant le luxe d’une variété d’ampoules pour chaque pied. Sans jour de repos planifié avant la fin du séjour, j’ai intérêt à faire en sorte de les protéger au maximum pour que cela ne devienne pas un handicap quotidien. Je passerai donc le temps qu’il faudra chaque matin pour appliquer bandages, compresses et talc histoire de garder ma pièce d’équipement la plus importante – mes pieds – dans des condition optimales. Ou plutôt limiter les dégâts autant que possible.
Nouvelle nuit au chaud à Kulusuk. Je réarrange mes affaires une dernière fois en m’assurant que tout est stocké en sachets hermétiques et je me débarrasse des emballages inutiles de nourriture. Essayer d’agencer l’ensemble de manière logique et efficace pour faciliter ma routine sur la glace pour ces deux prochaines semaines. A supposer que tout se passe comme prévu, ce qui n’est jamais le cas. Mais au fond, c’est bien pour cela que je suis ici aujourd’hui : l’Aventure. Il n’y a plus qu’à!

Expedition food, Pirhuk, Greenland

Mardi 1er Avril 2014 :
Une violente attaque d’ours polaire a frappé le début de notre expédition. Cherchant à nous protéger, Dave s’est vu projeté telle une vulgaire marionnette pour finir dans un bain de sang sous nos yeux atterres. Encore à distance raisonnable du village, des chasseurs locaux sont rapidement venus à notre renfort. Heureusement que tout cela a eu lieu un premier avril! On peut donc mettre cette histoire sur le compte d’un poisson et revenir à la réalité.
On a quitté Kulusuk vers midi, prenant la direction du Nord. Une météo mitigée mais au final pas trop de vent, ce qui reste appréciable pour nos premiers moments à traîneau. Par traîneau ou “Pulka” comme ils l’appellent ici, j’entends skier comme d’habitude si ce n’est que l’on tire chacun un petit traîneau en plastique d’une quarantaine de kg en plus de notre sac à dos. Il s’agit là de la solution la plus efficace pour emporter en une fois tout le nécessaire de survie pour l’ensemble de notre séjour.
Avec moins de trois heures d’effort aujourd’hui il est difficile de déjà tirer des conclusions, néanmoins la charge semble surprenamment raisonnable. Encore heureux, dans le sens où pour la traversée de l’icecap il sagit de deux traîneaux soit environ 80kg à tirer derrière sois…
On n’a pas brillé d’efficacité pour ce premier campement qui nous aura bien pris trois bonnes heures à établir. Entre les 4 tentes à monter, le mur de glace à ériger pour nous protéger des intempéries, l’édification des toilettes et la mise en place du trip wire – périmètre de sécurité anti ours polaires -… cela n’a l’air de rien, mais dans le vent et la neige pour une équipe inexpérimentée… il faut du temps!
L’occasion des premiers apprentissages par l’erreur, même si on s’en passerait bien. Un groupe ayant mal attaché leur sac de tente en montant cette dernière, a pu assister impuissant à son envol sur la banquise. Il ne sert à rien de courir, avec un tel vent le tissu orange s’effaçait dans l’horizon en moins d’une minute. Il s’agit là d’erreurs qui ne sont pas tolérables dans un tel contexte. La même mésaventure avec autre chose de plus important qu’un accessoire de rangement entraînerait la fin immédiate de l’expédition, avec risque de mise en danger de l’ensemble du groupe.
Autre leçon, le froid. Alors que tout allait bien en skiant, cela a été une toute autre histoire en montant le camp. Des gants trempés à travailler dans la neige ne sont pas un bon accessoire lorsqu’il vente et que les températures baissent. Le sang se retire des extrémités… mes doigts se refroidissent encore plus. Lorsque je parviens finalement à refaire circuler le précieux liquide dans l’ensemble de ma main, le réchauffement brutal des tissus congelés entraîne des douleurs brûlantes à en pleurer. Quelque chose à laquelle je n’ai pas l’intention de m’habituer et auquel je vais devoir porter la plus grande attention pour intervenir à l’avenir dès les premiers signes pour éviter d’en arriver jusque là. Que ce soit en gardant toujours une paire de gants au sec, ou même la simple réalisation de petits exercices pour forcer le sang a retourner dans les extrémités dés qu’il s’en échappe – le “moulin à vent” ou le “pingouin” comme dirait Dave -… ce sont des habitudes importantes à intégrer dans ma nouvelle routine.
Une tempête est attendue dans la nuit. Nous sommes tous confinés dans nos tentes alors que le vent se lève menaçant sans relâche nos abris de toile. Pour ajouter à l’expérience, notre sommeil est prévu d’être entrecoupé par “bear watch”. La menace des ours polaire étant plus que sérieuse, il est de précaution de monter la garde toute la nuit à tour de rôle. Ainsi, le reste de l’équipe peut s’autoriser un sommeil serein… encore faut il le trouver avec toute la cacophonie de la tempête groenlandaise.
Quatre degrés au dessus de zéro dans la tente, ce n’est pas encore le paradis, mais être à l’abri des éléments semble malgré tout un luxe. Par contre, lorsqu’il s’agit de faire sécher ses vêtements trempés, il n’y a pas trente six solutions. Le radiateur humain reste la seule alternative. Chaussettes, gants, compresses et autres bandages… tout ce qui est mouillé – et qui malheureusement ne sent pas la rose – finit soit sur mon ventre, soit sur mon dos. Avec moi au chaud dans mon sac de couchage, le direct contact avec ma peau permet de tout sécher en quelques heures. Ou du moins enlever la majorité de l’humidité. Je suis également aidé par ma chaleur liquide ; dans de telles conditions et avec le périmètre de sécurité en place, il n’est pas très motivant d’aller satisfaire une envie pressante en plein air. Ma gourde fera l’affaire, à partir du moment où je ne me trompe pas de gourde. Après je n’ai plus qu’à m’en servir comme une bouillotte dans mon sac de couchage. Amis de la poésie, bonne nuit !
Note personnelle : Penser à ne pas confondre mes voisins ronfleurs avec un ours polaire.

Cloudy mountains, Greenland

Mercredi 2 Avril 2014 :
La nuit passée aura été mouvementée. La tempête n’a pas lésiné sur les moyens, chaque attaque de vent ramenant la même interrogation : est-ce que la tente va tenir le coup ? J’ai eu la chance d’hériter d’un tour de garde matinal, bien qu’au fond, je n’ai pas tellement dormi le reste du temps non plus. Particulièrement aux aguets donc de 5h à 6h, pistolet à fusées éclairantes en main, sortant la tête régulièrement en quête de monstre polaire. Dans le blizzard, tous les démons sont blancs de toutes façons!
On a survécu la nuit, pour apprécier une tempête tout aussi active au matin. Qu’à cela ne tienne, pas question de lever le camp dans ces conditions, on opte donc pour une journée repos. Partageant les lieux avec Geoff, nous nous retrouvons tel un vieux couple dans une chambre d’hôtel trop petite, barbe et transpiration en prime. Autant dire qu’il n’en faut pas trop pour nous faire sortir prendre l’air, aller consolider notre habitation et renforcer notre mur de glace. Le reste du temps voit défiler une alternance de lecture, films – tant que les batteries du smartphone tiennent… – et longues tentatives de séchage vestimentaire. Tout cela est de bon entraînement ; il n’empêche qu’on ne peut qu’espérer une baisse du vent, des températures, et le retour du soleil dans quelques jours. Rien que ça! On peut bien rêver, mais il faut avouer que ce serait quand même idéal si on veut continuer notre périple…

Jeudi 3 Avril 2014 :
Mes chaussettes sales sur les épaules, entre ma peau et mes vêtements. Mes bandages usagés pour les pieds sur le ventre. Mes gants aussi trempés que glacés sur le dos. Le tout enfermé bien au chaud sous ma veste… en temps normal je trouverai cela étrange, ici cela ne me surprend même plus. Passer une demie heure à me demander comment je vais m’habiller, si cela vaut le coup de mettre ces gants bien chauds qu’il m’aura fallu toute la nuit à sécher, puis passer une nouvelle demie heure à enfiler ma tenue et mettre mes chaussures…. là non plus, cela ne me surprend plus. Espérer d’avoir envie d’uriner pour pouvoir se soulager dans une bouteille et la mettre aussitôt dans mon sac de couchage pour se blottir contre elle en dormant… une évidence. Se recouvrir de trois couches de vêtements pour aller assouvir une grosse envie, dehors, dans le froid et la neige, tout en devant jouer à un soute mouton préalable par dessus un système de détection d’ours polaires, avant d’arriver à un trou dans la glace faisant office de trône quelque peu protégé du vent par un mur de neige… une logique à l’état pur. Etre réveillé à 3h du matin par un barbu australien de 60 ans, dormant à 10 cm de moi, me passant un pistolet à fusées tout en me déclarant “C’est ton tour”… cela pourrait faire peur dans un tout autre contexte, mais ici, cela coule de source !
En bref, des vacances par excellence, rien n’aura été oublié.
Si ce n’est la météo. A part le vent s’étant quelque peu apaisé, peu d’améliorations sont à noter. Laissant le campement en l’état, nous sommes partis en randonnée légère à ski pour explorer les environs. Au retour, on a eu le plaisir de croiser par hasard Matt sur la banquise, revenant d’une autre expédition. Depuis 2010 que je discutais avec le guide à la tête de la compagnie d’expédition groenlandaise Pirhuk responsable de l’ensemble de mes séjours, cela fait plaisir de pouvoir enfin associer un visage au nom. Chaleureuse et brève poignée de main avec promesse que l’on fera proprement connaissance en Août lors de nos prochaines aventures ensemble. En attendant, encore faut il finir se séjour.
Les dernières nouvelles suggèrent un changement de plan d’attaque: Lever de camp demain matin, retour au village, séchage de l’ensemble de notre équipement, préparation physique et psychologique à la pluie, puis nouveau départ sur la banquise pour sept jours d’expédition. Dave va devoir également décider du sort de Sharon. Sa main ne s’étant pas arrangé, la situation devient inquiétantes. Matt et Dave semblaient concernés cet après midi, autant pour sa santé que la bonne réussite de l’expédition. De son côté la blessée ayant un fort caractère et de part son métier de physiothérapeute, il n’est pas évident de lui faire entendre raison. A voir donc comment cette situation va évoluer…

Vendredi 4 Avril 2014 :
Comme convenu, nous avons plié bagages ce matin pour rentrer sur Kulusuk. Il n’aura pas arrêté de pleuvoir toute la nuit. La météo cette année est des plus surprenante. Il devrait faire froid et sec, il fait “chaud” et humide. Un dernier coup d’œil à notre mur de glace qui une fois de plus n’aura pas résisté bien longtemps malgré les trois rangées d’épaisseur ; accusons donc le climat plutôt que nos soit disant talents laissant à désirer en matière d’architecture polaire !
A midi au village, le reste de la journée s’enchaîne avec une session de séchage intensif – au poêle cette fois-ci – et de gavage alimentaire agrémenté de vin rouge et de cornets de glaces pour le moral. Il nous manquerait plus que la douche pour se croire en pleine fin d’expédition, mais pourtant, nous repartons de plus belle demain matin. Sachant à quoi s’attendre, on n’a pas l’intention de se faire avoir par la pluie une nouvelle fois!
Sharon est venue me voir tout à l’heure en m’offrant sa nourriture. Sur le coup je n’ai pas compris, avant qu’elle ne m’annonce, les yeux en tristesse, qu’elle quittait l’aventure… Je ne m’attendais pas à ce qu’elle prenne une telle décision elle même, sans que quelqu’un ne la force. Néanmoins, sa main ayant tellement gonflé, elle peine à enfiler ses gants, devenant désormais un véritable danger. Sans voix, je ne peux que respecter et apprécier le courage de son choix vis à vis d’elle même et du reste de l’équipe. Par solidarité, son amie Anne quitte également le navire. On ne se retrouve donc plus qu’à 6, guide compris, pour terminer cette aventure. Désormais en l’absence de sexe fort à bord, nous voilà bien mal barré !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 01st of May, 2014