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Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 3 / 7 – White Out, Red Inside

03 May 14

Next episode to be released on May 4th, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Beauty of Greenland : from the cloudy mountains to the sea ice

Team with pulkas making a break between the mountains, Greenland

Dimanche 6 Avril 2014 :
La tempête n’aura finalement pas eu lieu. On en aurait presque eu envie pour justifier de rester plus longtemps au campement… mais non, il faut se faire à l’idée que toute l’énergie passée à la conception de notre village de glace est à oublier chaque matin pour être recommencé de zéro à un nouvel endroit. On n’aura pas traîné des skis aujourd’hui. Parti à 9h50 dans le vent et la neige, on atteint destination après 19km sur les coups de 16h. Une arrivée dans le calme le plus total, avec la chance d’avoir même pu bénéficier de quelques timides mais présentes éclaircies en route, entre cinq couches nuageuses. La traversée d’une grande portion de banquise nous permet d’apprécier de gigantesques icebergs emprisonnés dans la glace. C’est non loin de notre plus belle pièce que nous dormons d’ailleurs ce soir. Nous l’avons baptisée “Moby-Dick” pour la ressemblance avec la fameuse baleine.

Moby-Dick the iceberg, Greenland

Au fur et à mesure des campements et de notre expérience, on improvise de nouvelles commodités. Après l’apparition des marches d’entrée et d’une pancarte de bienvenue, le tout évidement en glace, j’ai essayé ce soir la construction d’une rampe d’accès pour fauteuil roulant jusqu’à la cuisine de notre tente. Jugé au final dangereusement glissante par notre guide Dave, je n’en démords pas pour autant. Son utilité est irréprochable considérant que Geoff fait tourner sa bouteille de rouge ce soir ; nul ne sait comment toute cette histoire va se terminer ! De la même manière, le voyageur australien a également réalisé nos plus beaux toilettes à ce jour ; dossier tout confort et repose bras pour apprécier la vue sur Moby-Dick tout en étant sur le trône… un plaisir d’aller y faire sa petite affaire !
A noter que nous commençons vraiment à avoir une bonne dynamique et ambiance de groupe, rendant l’aventure aussi amusante qu’agréable. Mes deux talons sont encore remplis d’ampoules, mais je les protège soigneusement de bandages chaque matin.
Repas consistant ce soir et projection de film sur smartphone ; cela aura été bien mérité. Eric l’océanographe me tient compagnie pour la nuit. Le grand luxe d’ailleurs, car il est accompagné d’une peau de caribou que l’on peut mettre sur le sol de notre cuisine pour ne pas avoir froid à nos petits pieds en faisant bouillir de l’eau. D’ici la fin du séjour, en continuant à ce rythme, on devrait avoir un campement cinq étoiles !

Tents by night, Greenland

Lundi 7 Avril 2014 :
Blanc. Et du blanc. Puis encore du blanc. Le monde qui m’entoure aujourd’hui n’est rien d’autre que blanc dans le soit disant pays vert (Greenland). On remerciera Erik le Rouge pour son coup marketing en espérant rendre l’endroit plus attractif que le pays de glace (Iceland)… il y a plus de 1000 ans déjà! Mais tout est il que nous sommes en plein whiteout. Comparé à hier, les conditions sont lamentables. “Chaud”, à savoir au dessus de zéro, humide… la neige n’est qu’un mélange de poudreuse sur des kilomètres à la ronde. On ne glisse pratiquement pas, chaque avancée demandant le double d’effort. Malgré nos objectifs de 22 km, on se résigne à monter le camp après 15. C’est donc là aussi loin que nous aurons pu aller, demain marquant déjà le début de notre chemin retour. On ne se laisse pas abattre pour autant, et c’est dans la tente que l’on fêtera notre point le plus au Nord. Partageant les lieux avec Dave, on héberge ce soir une fête un peu spéciale. A six barbus dans une tente pour deux, j’ouvre mon Bordeaux de 2006 porté jusque là pour célébrer ce moment précis. Fromage, saucisson, salami, beurre et crackers viennent accompagner les festivités. La conversation étant naturellement agrémentée de discussions polaires.
Éclaircies espérées demain, avec un -8 degrés la nuit suivante. Voilà de quoi nous remonter le moral après la bouillie neigeuse du jour !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 03rd of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 2 / 7 – A fresh start

02 May 14

Next episode to be released on May 3rd, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Samedi 5 Avril 2014 :
Le calme avant la tempête. Il n’y a pas de meilleure manière que de qualifier cette journée. Les éléments étant sensés se déchaîner une fois de plus cette nuit, nous sommes partis aux aurores dans l’espoir d’arriver à notre destination et de monter le campement avant qu’il ne soit trop tard. Des conditions parfaites en route ; neige ferme et glacée, absence quasi totale de vent ou de pluie, visibilité correcte, un régal. Après 5h30 de ski, dont une partie encordée pour la traversée de glaciers, on pose nos sacs sur les coups de 13h. Plusieurs équipes de chien de traîneaux nous auront fait le plaisir de rencontre ce matin. Mais tout cela n’est rien comparé à la satisfaction de descendre le col montagneux en luge improvisée à l’aide de nos montures respectifs. Pour les grands enfants que nous sommes, il s’agit de la manière la plus excitante – et rapide – d’arriver en bas ! Je profite également d’un temps sec pour me risquer à sortir mon gros appareil et prendre quelques photos ; depuis le temps.

Skiing with a pulk, cloudy day, Greenland

Le montage du camp bénéficie également de conditions favorables. Notre mur protecteur est composé de vraies briques de glaces taillées à la scie et non plus d’une bouillie de poudreuse. Au vue du résultat, on serait presque motivé à se lancer dans la construction d’igloos !
Après midi relaxation sous la tente ; l’avantage des départs matinaux. Changement de partenaire pour varier les plaisirs. Mirek, le polonais de 59 ans, sera donc mon homme pour la nuit. Au programme, discussion cinéma, architecture, vin et physique de l’univers. Cela ne plaisante pas au fin fond du Groenland !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 02nd of May, 2014

 

Greenland Nordic Ski Expedition 2014 – Memory 1 / 7 – Beaten by the weather

01 May 14

Next episode to be released on May 2nd, 2014.

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Samedi 29 mars 2014 :
L’attente. La météo semble pourtant agréable en Islande d’où nous décollons, mais notre vol pour Kulusuk, Groenland, en n’est pas moins annulé. Les conditions sont sûrement plus déchaînées de l’autre côté de l’océan. Une nouvelle tentative est planifiée pour demain matin ; une journée supplémentaire à l’hôtel en attendant.
Après avoir passé ces dernières heures à se préparer physiquement et mentalement au grand départ, il semble étrange de se retrouver là, bloqué au beau milieu de la civilisation. Je profite de cette parenthèse pour me reconnecter au monde, lire l’actualité, écrire des emails… tout en me déconnectant par la même occasion de mon expédition à venir. Me rapprocher de mon groupe me permet de me remettre dans l’ambiance ; écouter leurs aventures passées me fait voyager avant l’heure.
Mariano est mon nouvel idole. Cet argentin de 33 ans a passé ces dix dernières années sur bateau à organiser des expéditions d’Arctique en Antarctique. Également historien des régions polaires, il est une source intarissable d’anecdotes et autres passionnants récits d’exploration.
Geoff, australien de 60 ans, est un ex-vétérinaire en reconversion dans la mécanique d’hélicoptère. Mirek est un polonais de 59 ans travaillant dans la production industrielle et distribution de Gaz tel que l’oxygène, hydrogène…
Le groupe est complété par Anne, en poste dans l’environnement, et Sharon, physiothérapeute, toutes deux dans la fin quarantaine et en provenance d’Alaska.
L’ensemble de l’équipe semble avoir l’expérience des conditions polaires et de la pratique du ski. Maintenant, tout est de savoir dans quel état physique et psychologique allons nous être après deux semaines sur la glace à tirer un traîneau. J’imagine qu’on devrait bientôt en avoir la réponse si on réussit à partir demain!

Dimanche 30 Mars 2014 :
La météo nous laissant un peu de répit, on a enfin pu faire vol pour le Groenland. Note pour la prochaine fois : penser à rendre les clefs de l’hôtel avant de monter dans le taxi pour l’aéroport… encore heureux que le chauffeur est accepté de bien vouloir jouer les facteurs!
L’arrivée à Kulusuk prend une toute nouvelle ampleur comparé à mon précédent séjour en été. Le village enneigé est de toute beauté. Malheureusement il fait chaud, trop chaud. Des températures positives ne sont pas synonymes de bonnes conditions de ski ; on n’a quand même pas traversé la planète pour venir se mettre en maillot et faire trempête!
Notre guide anglais, Dave, me reconnaît du premier coup à l’aéroport, grâce aux photos que j’avais prises en 2010 lors de ma précédente expédition avec Pirhuk. Il avait d’ailleurs par la suite entrepris le même trek que j’avais réalisé à l’époque avec Émilie, et depuis continué à guider dans la même compagnie aux côtés de Matt et Helen. On sympathise donc rapidement, et du haut de ses 30 ans, il a l’air aussi aimable que professionnel.
Dernières préparations techniques, de quoi se familiariser avec l’équipement, tester tentes et réchauds. L’occasion également de faire la rencontre du dernier membre de notre équipe. Travaillant pour une université de Fairbanks, Alaska, Eric est un océanographe étudiant les bactéries présentes dans la neige. A ce titre il procède à une multitude de prélèvements aux quatre coins de l’Arctique. Nous voilà donc au complet pour débuter nos aventures. Quant à ce soir, on dort à Kulusuk dans une des maisons de Georg, l’amical chasseur Inuit à qui on devait déjà beaucoup de la logistique en 2010.

Kulusuk Sunset, Greenland

Lundi 31 Mars 2014 :
Comment mieux commencer la journée qu’en faisant le point sur le stock de nourriture à emporter avec nous ? Nourriture déshydratée de qualité, fromage, charcuterie, tablettes de chocolats, barres de céréales, biscuits, fruits secs et innombrables remontants… Pirhuk n’a une fois de plus pas lésiné sur les moyens pour nous garder motivés. L’ensemble pèse lourd, mais je prends malgré tout quelques suppléments, y compris un gros bloc de beurre, histoire de me faire plaisir. Cela fait partie de ces moments de l’année où je m’autorise à manger comme trois, sachant que je dépense autant en énergie derrière… ou pas. Mais qu’importe.
Après midi ski, mais sans traîneau pour le moment. 3h30 de vadrouille avec l’ensemble de l’équipe histoire de prendre ses marques et effectuer les derniers ajustements de matériel. Une météo au final assez désagréable avec un vent de face fouettant un mélange de pluie neige du fait de températures trop élevées et des bourrasques menaçant régulièrement de nous faire perdre l’équilibre. Le Groenland ayant la réputation de ne pas faire de cadeau en hiver, j’imagine qu’il s’agit d’une bonne mise en bouche.
Au niveau des performances de l’équipe, Eric et Mariano ont une cadence solide. Anne préparant une course à ski en février prochain a un rythme soutenu. Sharon s’est malheureusement blessée à la main deux jours avant de venir, ce qui semble entraîner des difficultés. A ce stade j’avoue être assez inquiet, cela pouvant représenter un risque pour l’ensemble du groupe si ça venait à empirer. Mirek tient le rythme, un peu en retrait. Geoff suit à l’arrière.
Quant à Dave, en tant que guide, il assure. Pour ma part, je suis ravi d’avoir eu mon entraînement préalable en Islande! Je suis beaucoup plus confiant et à l’aise, tout en parvenant à garder un bon rythme de croisière.
Ma difficulté est néanmoins de ne pas avoir eu la possibilité de tester mes chaussures à l’avance. Elles sont donc aussi neuves que rigides, m’offrant le luxe d’une variété d’ampoules pour chaque pied. Sans jour de repos planifié avant la fin du séjour, j’ai intérêt à faire en sorte de les protéger au maximum pour que cela ne devienne pas un handicap quotidien. Je passerai donc le temps qu’il faudra chaque matin pour appliquer bandages, compresses et talc histoire de garder ma pièce d’équipement la plus importante – mes pieds – dans des condition optimales. Ou plutôt limiter les dégâts autant que possible.
Nouvelle nuit au chaud à Kulusuk. Je réarrange mes affaires une dernière fois en m’assurant que tout est stocké en sachets hermétiques et je me débarrasse des emballages inutiles de nourriture. Essayer d’agencer l’ensemble de manière logique et efficace pour faciliter ma routine sur la glace pour ces deux prochaines semaines. A supposer que tout se passe comme prévu, ce qui n’est jamais le cas. Mais au fond, c’est bien pour cela que je suis ici aujourd’hui : l’Aventure. Il n’y a plus qu’à!

Expedition food, Pirhuk, Greenland

Mardi 1er Avril 2014 :
Une violente attaque d’ours polaire a frappé le début de notre expédition. Cherchant à nous protéger, Dave s’est vu projeté telle une vulgaire marionnette pour finir dans un bain de sang sous nos yeux atterres. Encore à distance raisonnable du village, des chasseurs locaux sont rapidement venus à notre renfort. Heureusement que tout cela a eu lieu un premier avril! On peut donc mettre cette histoire sur le compte d’un poisson et revenir à la réalité.
On a quitté Kulusuk vers midi, prenant la direction du Nord. Une météo mitigée mais au final pas trop de vent, ce qui reste appréciable pour nos premiers moments à traîneau. Par traîneau ou “Pulka” comme ils l’appellent ici, j’entends skier comme d’habitude si ce n’est que l’on tire chacun un petit traîneau en plastique d’une quarantaine de kg en plus de notre sac à dos. Il s’agit là de la solution la plus efficace pour emporter en une fois tout le nécessaire de survie pour l’ensemble de notre séjour.
Avec moins de trois heures d’effort aujourd’hui il est difficile de déjà tirer des conclusions, néanmoins la charge semble surprenamment raisonnable. Encore heureux, dans le sens où pour la traversée de l’icecap il sagit de deux traîneaux soit environ 80kg à tirer derrière sois…
On n’a pas brillé d’efficacité pour ce premier campement qui nous aura bien pris trois bonnes heures à établir. Entre les 4 tentes à monter, le mur de glace à ériger pour nous protéger des intempéries, l’édification des toilettes et la mise en place du trip wire – périmètre de sécurité anti ours polaires -… cela n’a l’air de rien, mais dans le vent et la neige pour une équipe inexpérimentée… il faut du temps!
L’occasion des premiers apprentissages par l’erreur, même si on s’en passerait bien. Un groupe ayant mal attaché leur sac de tente en montant cette dernière, a pu assister impuissant à son envol sur la banquise. Il ne sert à rien de courir, avec un tel vent le tissu orange s’effaçait dans l’horizon en moins d’une minute. Il s’agit là d’erreurs qui ne sont pas tolérables dans un tel contexte. La même mésaventure avec autre chose de plus important qu’un accessoire de rangement entraînerait la fin immédiate de l’expédition, avec risque de mise en danger de l’ensemble du groupe.
Autre leçon, le froid. Alors que tout allait bien en skiant, cela a été une toute autre histoire en montant le camp. Des gants trempés à travailler dans la neige ne sont pas un bon accessoire lorsqu’il vente et que les températures baissent. Le sang se retire des extrémités… mes doigts se refroidissent encore plus. Lorsque je parviens finalement à refaire circuler le précieux liquide dans l’ensemble de ma main, le réchauffement brutal des tissus congelés entraîne des douleurs brûlantes à en pleurer. Quelque chose à laquelle je n’ai pas l’intention de m’habituer et auquel je vais devoir porter la plus grande attention pour intervenir à l’avenir dès les premiers signes pour éviter d’en arriver jusque là. Que ce soit en gardant toujours une paire de gants au sec, ou même la simple réalisation de petits exercices pour forcer le sang a retourner dans les extrémités dés qu’il s’en échappe – le “moulin à vent” ou le “pingouin” comme dirait Dave -… ce sont des habitudes importantes à intégrer dans ma nouvelle routine.
Une tempête est attendue dans la nuit. Nous sommes tous confinés dans nos tentes alors que le vent se lève menaçant sans relâche nos abris de toile. Pour ajouter à l’expérience, notre sommeil est prévu d’être entrecoupé par “bear watch”. La menace des ours polaire étant plus que sérieuse, il est de précaution de monter la garde toute la nuit à tour de rôle. Ainsi, le reste de l’équipe peut s’autoriser un sommeil serein… encore faut il le trouver avec toute la cacophonie de la tempête groenlandaise.
Quatre degrés au dessus de zéro dans la tente, ce n’est pas encore le paradis, mais être à l’abri des éléments semble malgré tout un luxe. Par contre, lorsqu’il s’agit de faire sécher ses vêtements trempés, il n’y a pas trente six solutions. Le radiateur humain reste la seule alternative. Chaussettes, gants, compresses et autres bandages… tout ce qui est mouillé – et qui malheureusement ne sent pas la rose – finit soit sur mon ventre, soit sur mon dos. Avec moi au chaud dans mon sac de couchage, le direct contact avec ma peau permet de tout sécher en quelques heures. Ou du moins enlever la majorité de l’humidité. Je suis également aidé par ma chaleur liquide ; dans de telles conditions et avec le périmètre de sécurité en place, il n’est pas très motivant d’aller satisfaire une envie pressante en plein air. Ma gourde fera l’affaire, à partir du moment où je ne me trompe pas de gourde. Après je n’ai plus qu’à m’en servir comme une bouillotte dans mon sac de couchage. Amis de la poésie, bonne nuit !
Note personnelle : Penser à ne pas confondre mes voisins ronfleurs avec un ours polaire.

Cloudy mountains, Greenland

Mercredi 2 Avril 2014 :
La nuit passée aura été mouvementée. La tempête n’a pas lésiné sur les moyens, chaque attaque de vent ramenant la même interrogation : est-ce que la tente va tenir le coup ? J’ai eu la chance d’hériter d’un tour de garde matinal, bien qu’au fond, je n’ai pas tellement dormi le reste du temps non plus. Particulièrement aux aguets donc de 5h à 6h, pistolet à fusées éclairantes en main, sortant la tête régulièrement en quête de monstre polaire. Dans le blizzard, tous les démons sont blancs de toutes façons!
On a survécu la nuit, pour apprécier une tempête tout aussi active au matin. Qu’à cela ne tienne, pas question de lever le camp dans ces conditions, on opte donc pour une journée repos. Partageant les lieux avec Geoff, nous nous retrouvons tel un vieux couple dans une chambre d’hôtel trop petite, barbe et transpiration en prime. Autant dire qu’il n’en faut pas trop pour nous faire sortir prendre l’air, aller consolider notre habitation et renforcer notre mur de glace. Le reste du temps voit défiler une alternance de lecture, films – tant que les batteries du smartphone tiennent… – et longues tentatives de séchage vestimentaire. Tout cela est de bon entraînement ; il n’empêche qu’on ne peut qu’espérer une baisse du vent, des températures, et le retour du soleil dans quelques jours. Rien que ça! On peut bien rêver, mais il faut avouer que ce serait quand même idéal si on veut continuer notre périple…

Jeudi 3 Avril 2014 :
Mes chaussettes sales sur les épaules, entre ma peau et mes vêtements. Mes bandages usagés pour les pieds sur le ventre. Mes gants aussi trempés que glacés sur le dos. Le tout enfermé bien au chaud sous ma veste… en temps normal je trouverai cela étrange, ici cela ne me surprend même plus. Passer une demie heure à me demander comment je vais m’habiller, si cela vaut le coup de mettre ces gants bien chauds qu’il m’aura fallu toute la nuit à sécher, puis passer une nouvelle demie heure à enfiler ma tenue et mettre mes chaussures…. là non plus, cela ne me surprend plus. Espérer d’avoir envie d’uriner pour pouvoir se soulager dans une bouteille et la mettre aussitôt dans mon sac de couchage pour se blottir contre elle en dormant… une évidence. Se recouvrir de trois couches de vêtements pour aller assouvir une grosse envie, dehors, dans le froid et la neige, tout en devant jouer à un soute mouton préalable par dessus un système de détection d’ours polaires, avant d’arriver à un trou dans la glace faisant office de trône quelque peu protégé du vent par un mur de neige… une logique à l’état pur. Etre réveillé à 3h du matin par un barbu australien de 60 ans, dormant à 10 cm de moi, me passant un pistolet à fusées tout en me déclarant “C’est ton tour”… cela pourrait faire peur dans un tout autre contexte, mais ici, cela coule de source !
En bref, des vacances par excellence, rien n’aura été oublié.
Si ce n’est la météo. A part le vent s’étant quelque peu apaisé, peu d’améliorations sont à noter. Laissant le campement en l’état, nous sommes partis en randonnée légère à ski pour explorer les environs. Au retour, on a eu le plaisir de croiser par hasard Matt sur la banquise, revenant d’une autre expédition. Depuis 2010 que je discutais avec le guide à la tête de la compagnie d’expédition groenlandaise Pirhuk responsable de l’ensemble de mes séjours, cela fait plaisir de pouvoir enfin associer un visage au nom. Chaleureuse et brève poignée de main avec promesse que l’on fera proprement connaissance en Août lors de nos prochaines aventures ensemble. En attendant, encore faut il finir se séjour.
Les dernières nouvelles suggèrent un changement de plan d’attaque: Lever de camp demain matin, retour au village, séchage de l’ensemble de notre équipement, préparation physique et psychologique à la pluie, puis nouveau départ sur la banquise pour sept jours d’expédition. Dave va devoir également décider du sort de Sharon. Sa main ne s’étant pas arrangé, la situation devient inquiétantes. Matt et Dave semblaient concernés cet après midi, autant pour sa santé que la bonne réussite de l’expédition. De son côté la blessée ayant un fort caractère et de part son métier de physiothérapeute, il n’est pas évident de lui faire entendre raison. A voir donc comment cette situation va évoluer…

Vendredi 4 Avril 2014 :
Comme convenu, nous avons plié bagages ce matin pour rentrer sur Kulusuk. Il n’aura pas arrêté de pleuvoir toute la nuit. La météo cette année est des plus surprenante. Il devrait faire froid et sec, il fait “chaud” et humide. Un dernier coup d’œil à notre mur de glace qui une fois de plus n’aura pas résisté bien longtemps malgré les trois rangées d’épaisseur ; accusons donc le climat plutôt que nos soit disant talents laissant à désirer en matière d’architecture polaire !
A midi au village, le reste de la journée s’enchaîne avec une session de séchage intensif – au poêle cette fois-ci – et de gavage alimentaire agrémenté de vin rouge et de cornets de glaces pour le moral. Il nous manquerait plus que la douche pour se croire en pleine fin d’expédition, mais pourtant, nous repartons de plus belle demain matin. Sachant à quoi s’attendre, on n’a pas l’intention de se faire avoir par la pluie une nouvelle fois!
Sharon est venue me voir tout à l’heure en m’offrant sa nourriture. Sur le coup je n’ai pas compris, avant qu’elle ne m’annonce, les yeux en tristesse, qu’elle quittait l’aventure… Je ne m’attendais pas à ce qu’elle prenne une telle décision elle même, sans que quelqu’un ne la force. Néanmoins, sa main ayant tellement gonflé, elle peine à enfiler ses gants, devenant désormais un véritable danger. Sans voix, je ne peux que respecter et apprécier le courage de son choix vis à vis d’elle même et du reste de l’équipe. Par solidarité, son amie Anne quitte également le navire. On ne se retrouve donc plus qu’à 6, guide compris, pour terminer cette aventure. Désormais en l’absence de sexe fort à bord, nous voilà bien mal barré !

 
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Posted in 2014 : Greenland the 01st of May, 2014

 

Cross-country skiing in Landmannalaugar, Iceland

26 Mar 14

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Lundi 24 Mars 2014 :
Islande. Terre d’aventures. Un pays aux paysages magnifiques qui rappellent tant de souvenirs.
Quatre ans auparavant, je débarquais ici pour la première fois, la tête pleine de rêves et l’impatience d’un gamin à Noël. Sans expérience aucune, je m’élançais dans les coins les plus reculés du pays en quête d’expériences. L’apprentissage aura été aussi violent qu’efficace. Mes nombreuses erreurs passées sont mes fondations d’aujourd’hui. Celles qui m’auront permis de vouloir aller toujours plus loin… et d’en revenir à chaque fois pour en raconter l’histoire.
Cette fois-ci, mes attentes sont différentes. Ayant pour objectif de traverser l’Icecap au Groenland en 2015, je ne recherche plus à réaliser un séjour aléatoire en solitaire, mais une expédition sérieuse nécessitant entraînement et équipement bien particulier. Ma formation d’alpinisme étant en bonne voie, il est désormais temps de chausser des skis. Ou, formulé différemment, il serait grand temps d’apprendre à skier si je veux que ce projet n’ait ne serait ce qu’une infime chance de réussite! J’ai donc attaqué ce matin une mini-expédition de trois jours. Le plan initial était de traverser le glacier Langjökull à ski, non loin de Reykjavik, tout en tirant un traîneau et campant en route. Malheureusement, Mère Nature en a décidé autrement. Mars en Islande, ce n’est pas vraiment le soleil de Californie ; la météo est exécrable ici et toutes les expéditions s’annulent les unes après les autres. Visibilité faible voire nulle, vents violents, alternance de pluie et de neige… camper dans de telles conditions reviendrait à risquer de voir sa tente s’envoler comme un vulgaire sac plastique. La réalité étant que j’aurais malgré tout bien aimé continuer avec ce plan initial. Des conditions aussi mauvaises, c’est exactement ce dont j’ai besoin pour mon entraînement!
J’imagine que j’y serai malgré tout confronté un jour par la force des choses, en attendant, contentons nous du plan B. La météo annoncée sensiblement plus clémente du côté de Landmannalaugar, c’est là bas que nous nous sommes dirigés. L’autre avantage étant que nous bénéficierons ainsi du refuge du fameux chemin de trek pour la nuit.
A environ 6h de route de Reykjavik dans les conditions actuelles, on est parti vers 7h après avoir récupéré l’ensemble du groupe. J’ai été à première vue étonné de l’imposant véhicule nous servant de taxi du jour ; une espèce de 4×4 géant tout customisé tout droit sorti d’un jeu vidéo. A croire que j’en avais oublié comment, quatre ans plus tôt, j’avais déjà été surpris avec quelle aisance les bus surélevés islandais traverser les rivières et autres chemins de montagne… pays d’aventures et de chauffeurs aventuriers!
A 11h, je me plais à me savoir conduit par une telle machine. Le whiteout est total, on ne distingue ni sol ni ciel. Plus de route depuis bien longtemps, juste du vent et de la neige. Le talentueux pilote conduit fenêtre ouverte, lunettes de ski sur la tête. Le véhicule se remplie de flocons, mais malgré tout on semble avancer. Il n’est pas étonnant que les 50 derniers kilomètres nous prennent plusieurs heures. On manque de rester bloqués à plusieurs reprises, traverse différentes rivières jusqu’à finalement apercevoir le toit du refuge dépasser de sa couverture blanche. Robert, guide de l’expédition, nous annonce alors “So close, and yet so far away…”. Il ne pouvait imaginer dire plus vrai. Notre véhicule se retrouve de nouveau bloqué dans la neige avec impossibilité de s’en dépatouiller. On enchaîne avec une demie heure à coup de pelles, l’ensemble de l’équipe réquisitionnée pour nous sortir de là. On finit par en venir à bout sous la satisfaction générale de pouvoir enfin se remettre à l’abri des éléments qui continuent à se déchaîner. Ou pas.
Il est décidé qu’il serait tout aussi bien de terminer la route à ski. Après tout, on est quand même venu là pour ça et non pour rester au chaud!
Mes premiers essais auront été des plus maladroits. Je ne suis pas à l’aise et cela se voit. Sans compter que je n’ai même pas encore de traîneau à tirer pour le moment…
Cela dit c’est un coup de main à prendre, je le sais. Comme toute nouvelle discipline, cela peut prendre du temps. Parfait, j’ai trois jours devant moi! A la fin de cette expédition j’espère bien être paré pour le Groenland ; il va donc falloir s’appliquer.
La récompense de cet après midi tient en deux mots : sources chaudes. La météo a beau être lamentable, le refuge offre le luxe d’être situé à 100m d’une piscine naturelle à l’eau deux fois plus chaude que celle des Caraïbes. Encore faut il s’y rendre et en revenir! Les Islandais y vont pieds nus, peut importe la hauteur de neige à traverser en route. Pour ma part ce sera chaussures, short de bain, petite veste et mes jambes pour courir… car il continue de neiger et je n’ai qu’une seule envie, c’est de me jeter dans l’eau bouillante! La baignade est un régal. Le paysage est magnifique. Il gèle dehors et je transpire dans l’eau ; cette trempette n’a pas de prix.
Une fois sorti, c’est un retour en courant au refuge avant de risquer l’hypothermie.
La soirée aura été relativement calme. Vu le peu d’effort journalier, je n’ai presque pas l’impression de mériter les pâtes saumon fromage que l’on dévore plus que de raison ce soir. Mais bon, il serait malpoli de refuser!
Sans compter que demain sera sûrement un peu plus sportif ; le vent est sensé faiblir dans la nuit. Affaire à suivre!

Mardi 25 Mars 2014 :
Pourquoi paye-t’on un guide ? Qu’attendons nous de lui ? Ce n’est pas la première fois que je m’interroge sur la question au cours de mes aventures. Personnellement, si je fais appel à une personne expérimentée pour m’accompagner, c’est que je m’attends à vivre une aventure. Et je suis entièrement disposé à la vivre, à pousser mes limites. A entreprendre ce que je n’aurai pas pu faire seul pour des raisons de sécurité ou d’expérience. En tant que tel, l’excursion du jour a répondu à mes attentes avec grand succès. Ce qui, pourtant, est loin d’être l’avis de mes quatre compagnons de voyage.
De leur point de vue, un guide doit connaître le terrain comme sa poche, être capable de donner des estimations à la minute prés, voire presque avoir une motoneige pliable dans son sac à dos, toujours disponible en cas de petite fatigue du client!
Forcément, quand on se retrouve en plein whiteout à chercher notre chemin et qu’au bout de la septième heure de ski on tente de suivre une rivière “dans l’espoir” qu’il s’agisse du meilleur itinéraire pour rentrer au refuge, après avoir essuyé des passages quelque peu sportifs juste avant… ce n’est pas du goût de tous ! De mon côté ? Je me régale.
C’est exactement ce que j’attends d’une telle aventure : être incapable de prévoir ce qui va arriver, tout en s’amusant en apprenant et en réalisant des choix aussi responsables que possible pour assurer la survie de l’ensemble du groupe. Au moins on sort ici des sentiers balisés qui sont trop souvent d’un ennui prévisible, en créant au contraire plein de souvenirs aussi inattendus qu’exceptionnels.
Ce soir, la baignade en source chaude s’apprécie d’une toute nouvelle manière. Tout comme le dîner qui cette fois-ci est amplement et délicieusement mérité après plus de 8 heures de ski.
Je n’ai vraiment rien à reprocher à cette journée, si ce n’est mon niveau qui manque encore clairement de pratique. A plat aucun problème, j’ai pris le coup de main. Par contre lorsqu’il s’agit de monter ou de descendre, je tombe bien plus souvent que je n’avance! Et je m’estime heureux que les peaux de phoque permettent une adhérence supplémentaire, autrement ce serait juste impraticable.
Le refuge prend vie ce soir avec de nouveaux groupes ayant fait leur apparition. Des français sirotent une bonne bouteille de vin pendant que des russes chantent à tue-tête… sûrement autour d’une bouteille de vodka. Cela ne devrait pas m’empêcher de trouver le sommeil, car lui aussi, je pense qu’on l’aura mérité ce soir.
Après m’être offert le luxe d’un film avant de dormir – la magie des smartphones – je commence à sombrer dans les abysses de Morphé quand l’ensemble du dortoir s’agite autour de moi. “Northern lights! Northern lights!”
Nos deux libanais qui espéraient qu’une chose, avoir la chance d’observer des aurores boréales, se voient eux aussi récompensés de leurs efforts. Après quelques hésitations – j’étais bien au lit… – j’enfile mes chaussons de neige, une veste, attrape mon appareil photo et file dehors. Le spectacle est magique.
Un voile de lumière verdâtre danse au dessus de nos têtes, changeant d’une minute à l’autre, tels les différents mouvements d’une chorégraphie. Je m’essaye à quelques clichés nocturnes, mais à défaut d’avoir un pied de caméra, je me retrouve avec une séquence d’images floues. Qu’à cela ne tienne… mes plus beaux clichés sont dans ma tête.
Je retourne me coucher.

Mercredi 26 Mars 2014 :
La météo ce matin n’est pas des plus clémentes. Tout cela n’encourage pas vraiment les troupes à reprendre les skis pour une dernière traversée, surtout après le cocktail émotionnel de la veille. Ils se contenteraient bien d’une journée lecture avec un bon thé chaud. De mon côté, cela me frustre assez rapidement. Alors oui, comme tout le monde, mon corps souhaiterait se reposer. Mes jambes sont douloureuses après m’être découvert de nouveaux muscles… Mais sérieusement! Au prix de l’excursion, pratiquement 1000 euros, on va réellement se contenter d’une balade d’une journée ? Sans compter que je suis là pour m’entraîner, douleurs ou pas. Le groupe parvient finalement à se motiver et sur les coups de 11h, on décolle pour une dernière virée de deux heures. De quoi finir sur une note positive!
On teste ainsi les skis sans peau de phoque, les conditions de neige étant plus favorables qu’hier. On profite ainsi d’une meilleure glisse. On essaye également de prendre plus confiance dans les descentes ou le taux de chute réduit… un peu. Pas de quoi s’emballer pour autant, tout cela est encore loin d’être acceptable, mais petit à petit…
Notre chauffeur nous récupère finalement à 16h et une demie heure plus tard on se retrouve coincés sur la glace avec un moteur qui surchauffe, fumant comme un pompier. A défaut de réserve d’eau, après avoir vidé toutes nos gourdes dans le radiateur du véhicule, on sort le réchaud de camping pour faire fondre de la neige. Une heure plus tard, l’engin de l’enfer accepte de repartir.
Des conditions beaucoup plus favorables qu’à l’aller nous permettent d’apprécier la beauté des paysages lunaires enneigés et notre retour dans la capitale vers 22h se déroule sans autre empêchement.
Au final, je m’avoue ravi de cette petite expédition / mise en bouche pour le Grand Nord. J’ai pu faire mes débuts à ski et apprécier à quel point la répartition du poids permet de traverser neige et glace en douceur là où on s’enfoncerait à coup sûr autrement.
L’équipe était des plus sympathiques malgré le fait qu’ils se soient quelque peu trompés sur la nature du séjour qu’ils ont réservé ; un peu trop d’aventures ! Quant au guide, Robert l’Islandais, il a su nous ramener en vie au refuge tout en nous faisant vivre de vraies expériences. Que ce fut volontaire ou pas, j’en aurai profité plus que de raison.
Désormais, il n’y a plus qu’à voir ce qu’il en sera au Groenland!

 
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Posted in 2014 : Iceland the 26th of March, 2014

 

Goodbye New Zealand

23 Mar 14

Last memories from New Zealand ; jumping with friends over Abel Tasman.
Saying goodbye for now. Just for now.

 
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Posted in 2014 : New Zealand the 23rd of March, 2014

 

Technical Mountaineering Course, Southern Alps, New Zealand

08 Feb 14

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Samedi 1 Février 2014 :
Pas le temps pour une grasse matinée avant d’attaquer ce deuxième module. Je suis sensé être à 8h30 précise au centre d’Alpine Guides.
Une nouvelle équipe et un nouveau guide. Andy “Tinny” nous montrera le chemin et je serai cette fois accompagné de Michael (allemand, étudiant en médecine), Antoinette (kiwi, agent immobilier) et Ben (australien, professeur d’activités en extérieur). On ne perd pas de temps ce matin et vers onze heures on est à l’aéroport. La bonne nouvelle est que cette fois-ci on va être basé à Kelman Hut, à savoir à 2450m. D’une, on gagne ainsi 600m d’altitude et autant de bonheur par rapport à Mueller Hut. De deux, on économise le temps qu’il nous faudrait pour s’y rendre et y revenir, en le remplaçant par un allez-retour en hélicoptère. Rien de tel qu’un vol au dessus des Alpes du Sud pour commencer une nouvelle aventure. Maintenant on commence à parler !
Une fois déposé au milieu du glacier, quinze petites minutes de marche nous amène jusqu’au refuge où on décharge l’ensemble du matériel et autre provisions. On en laisse la moitié en vrac, le temps de s’occuper de nos sacs et de se mettre à l’aise sous les conseils de Tinny… cela peut bien attendre un peu. On profite donc de la vue pendant que notre nouveau savoure une roulée au soleil… je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un bon feeling à propos de ce module!
Déjà la moyenne d’age est beaucoup plus élevée et je sens que l’on est plus responsabilisés. Il n’a pas été question cette fois-ci de fouiller nos sacs pour nous dire ce qu’on ne devait pas emporter. Il nous a conseillé en prenant son sac en exemple, après le reste relève de notre propre chef. Dans l’absolu, je dois avouer que je suis quand même parti plus léger que la semaine dernière en me débarrassant de ce qui ne m’a pas servi. Vu qu’on est sensé se retrouver dans une formation plus intense et que je suis sûrement celui ayant le moins d’expérience, j’ai envie d’être au meilleur de mes capacités pour ne par faire défaut au groupe.
L’après midi a été assez tranquille, révision des techniques d’arrêt d’urgence, quelques encordages et tour du matériel.
Ma seule crainte ce soir est d’avoir effectué un faux mouvement lors d’un exercice cet après midi, provoquant une sorte d’élongation musculaire dans ma cuisse. J’espère vivement que ce sera remis avec une bonne nuit de sommeil. Je ne sais pas si cette dernière sera longue cependant, on a été prévenu qu’on pouvait être réveillé à n’importe quel moment à partir de 4h du matin, en fonction des conditions météo, dans le but de tirer le meilleur de chaque journée quand la neige est dure comme la roche. Autant que je ne tarde pas. La suite demain.


Dimanche 2 Février 2014 :
Quelle journée ! Déjà, les points positifs. Niveau santé, le petit cocktail au paracétamol accompagné d’un bon repos semblent avoir remis ma jambe en état. Niveau crève, ce n’est pas fini, mais les bronches semblent moins prises tout en arrêtant de moucher cette substance verte alien qui m’ensorcelait depuis plus d’une semaine.
Niveau météo, les conditions ont été parfaites. Le fraîcheur nocturne a offert une neige aussi ferme que souhaitée. Et malgré un départ tardif à 7h30 pour un réveil à 5h30… on a pu quand même bien en profiter. Une belle balade sur le Tasman Glacier éclairé par les couleurs chatoyantes du lever de soleil, sans parler de la vue sur toute la chaîne de montagne jusqu’à l’océan de la côte Ouest. L’occasion également de pratiquer le déplacement sur glacier avec l’encordage anti-crevasses ; tout pour retenir son partenaire en cas de chute. Mais aussi la révision des techniques pour assurer son partenaire au cours des ascensions et mettre les bons points d’ancrages correspondants à chaque type de neige. Tout une caisse à outils et autres techniques que l’on va pouvoir mettre en pratique demain pour notre premier sommet.
En tous cas, il n’y a pas à dire, c’est vraiment un régal. Que ce soit l’équipe, le guide, ou le niveau de difficulté, tout semble au mieux de mes attentes jusque là. C’est fatigant, certes, mais pour le moment j’arrive à encaisser sans être complètement à bout en rentrant, et surtout le terrain de jeu où on évolue est magnifique. On se croirait vraiment au milieu des très hautes montagnes.
De retour à 15h30, on a pu profiter du reste de la journée pour se détendre un peu. En réalité, le temps passe à une vitesse folle. Entre les taches ménagères, la préparation du lendemain, les révisions et autres incompris du jour… il est presque 22h quand j’écris ces lignes. Une dernière photo de lever de lune… et au lit!


Lundi 3 Février 2014 :
“Feeling light, feeling strong. Feeling light, feeling strong…”.  Mes pieds ne toucheront la neige qu’une fraction de seconde avant d’enchaîner sur un nouveau pas. Il est encore tôt, la température est favorable. Le sol ne va pas se dérober sous moi.
Je suis entouré de crevasses aussi profondes qu’un immeuble. Je suis à la tête du groupe. Je dois continuer d’avancer. Effacer la peur ou les doutes. Juste avancer en toute confiance. Si je tombe, mon partenaire me rattrapera. Si la glace craque, mon équipement me retiendra. Juste continuer d’avancer. Un petit pas après l’autre. “Feeling light, feeling strong.”
3h10 du matin. Je me réveille pour assouvir une envie pressante. Le thé de la veille a une fois de plus eu raison de moi. Il y a bien un pot de chambre pour éviter de sortir, mais il ne fait pas si froid. Et la vérité est que je veux voir le ciel. Voir si c’est dégagé. On est sensé faire l’ascension de Mt Aylmer dans quelques heures, mais tout dépendra des conditions météo. Heureusement, cette nuit la voie lactée est en spectacle. Aucun nuage à l’horizon. Tout est parfait.
5h20, Tinny nous réveille. La météo a viré du tout au tout. C’est fichu pour aujourd’hui. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Tout était idéal il n’y a même pas deux heures. La déception m’emporte.
“Wake up boys!”
Il est 5h30. Tout cela n’était qu’un stupide cauchemar. Les conditions sont parfaites.
Nos préparatifs matinaux précédents ayant duré plus que de raison, sans compter que j’ai souvent besoin de temps le matin, je m’active dans tous les sens pour ne pas perdre la moindre minute.
6h10, je suis remonté comme un chien de traîneau au réveil. Tinny demande si je suis au courant du nouveau plan, le reste de l’équipe assis autour de lui. La réalité est que Ben n’arrive pas à dormir pour la deuxième nuit consécutive et Antoinette est brûlée aux lèvres façons UVs néo-zélandais, à savoir 40% plus violent qu’en Europe. A quoi bon partir là-haut si on n’est pas au meilleur de notre forme. Aucun de nous n’a envie de faire demie tour à mi-chemin. On reporte donc l’ascension en espérant que la météo nous offrira une nouvelle opportunité.
Par contre, pas question de se tourner les pouces pour autant. On va descendre le Tasman Glacier pour trouver des parois à l’ombre, autrement dit de la glace bien ferme, où pratiquer l’escalade sur glace.
On repousse le départ à 7h30, n’ayant plus le stresse du sommet. Tinny me dit de ne pas m’embêter avec la vaisselle, ça attendra bien notre retour. Pas question, maintenant que j’ai une heure d’avance… je ne vais pas partir sans que le refuge soit propre et rangé.
Environ 60 minutes de marche nous séparent de notre terrain de jeu, et je reprends la tête de l’encordée pour traverser le glacier, suivi de Tinny et Ben, ainsi que Michael et Antoinette sur une deuxième corde. La neige n’est pas aussi solide que j’espérais tout en restant acceptable. Par contre, les crevasses sont diablement intimidantes. Elles sont partout, certaines visibles, d’autres camouflées par la fraîche poudreuse. Certaines dont on voit le fond, quant à d’autres… c’est le noir total. Nul sait à quel point elle s’enfonce dans les profondeurs, mais je ne suis pas pressé de le découvrir. Par chance je parviens à guider l’équipe à destination sans trop de frayeur. Deux ou trois fois le sol s’est dérobé sous mes pieds, mais à chaque fois j’ai été retenu à la taille et pu m’en extraire facilement.
Après une petite pause, on attaque l’escalade sur glace.
La faculté de pouvoir grimper une paroi purement verticale et complètement lisse est saisissante. La magie du piolet et du marteau. Malheureusement mes mauvaises habitudes reviennent. Je grimpe trop avec mes bras sans me reposer suffisamment sur mes jambes. Ma première paroi est catastrophique ; je tombe à plusieurs reprises, tout en restant heureusement assuré. Mes bras sont tétanisés une fois arrivé en haut.
J’essaye une deuxième fois en me concentrant sur ma technique et cette fois-ci j’y arrive du premier coup en m’essoufflant moins. Je continue sur ma lancée, mais la fatigue s’accumulant et suite à une baisse de ma concentration, je ne trouve rien de plus malin que de me donner un coup de marteau dans la bouche en le retirant de la glace. Je redescends pour constater les dégâts. Heureusement mes dents sont toujours en place. Seule ma lèvre supérieure a pris. Au moins… je me souviendrais d’où vient cette cicatrice!
Je me re-encorde et reprend l’entraînement. Vers midi, tout le monde commence a être épuisé alors que la neige se transforme en bouillabaisse impraticable.
Tinny a fait la découverte d’une magnifique cave dans la glace. On va profiter de la vue quelques instants, prendre quelques clichés, refaire le plein d’énergie et il est temps de rentrer au refuge. Cette fois-ci, le glacier n’est plus dans le même état qu’au matin. Le soleil fait fondre le moindre grain de poudreuse. Les risques de finir dans une crevasse sont élevés.
On s’encorde donc tous les cinq ensemble. Michael prend la tête, le reste de l’équipe est aux aguets. Je suis ravi de ne pas être en premier cette fois-ci. Je commence à fatiguer et mon massage métallique à coup de marteau n’a pas arrangé mon état. J’ai bien pris un gros morceau de chocolat pour me remonter le moral, mais il n’empêche que je me languis de m’allonger à l’ombre du refuge.
Un pas après l’autre, petit à petit, sans s’arrêter tout en gardant un rythme constant, on remonte le glacier. Chaque approche de nouvelle crevasse soulève les mêmes questions et entraîne les mêmes réflexes. Michael va t’il s’enfoncer ? Je dois me préparer à le retenir si tel était le cas. Il y passe en effet plusieurs fois, mais qu’une seule fois seulement où il n’est pas capable d’en sortir seul et où on doit l’en extraire.
Une heure trente plus tard, on arrive à destination. L’occasion d’un bon remontant : gâteaux, thon, fromage, boisson rafraîchissante. Au fond, Tinny a raison, ce n’est pas dramatique de tomber dans une crevasse à partir du moment où on est assuré. Les chutes sérieuses sont rares. Il n’empêche que ça intimide la première fois et que nous sommes tous vidés de notre énergie. Une bonne sieste à l’ombre pour tout le monde aura souligné un après midi de détente on ne peut plus mérité!
Un nouveau délicieux repas préparé cette fois par notre très attentif guide et nous revoilà à réviser les techniques d’ascension et de rappel dans le refuge. Sous entendu, on descend l’escalier encordé, on s’assure à la gazinière, bref, c’est assez folklorique.
Tout le monde est bien fatigué, guide compris, et l’attention baisse. On lève donc la journée en espérant que tout va solidement s’encrer dans nos cerveaux respectifs au cours de la nuit. Demain annonce une nouvelle belle journée malgré des vents de 50 km/h. On planifie donc une nouvelle tentative d’ascension d’Aylmer. En espérant que la nuit n’apporte pas de mauvaise surprise… et que le sommeil soit réparateur musculairement et articulairement.


Mardi 4 Février 2014 :
“You’re ready buddy ?” Je ne sais pas si je suis vraiment prêt. Cela n’a jamais été naturel de me jeter dans une crevasse. C’est comme dans les dessins animés où au cours d’une course poursuite, le personnage dépasse une falaise et continue à avancer sur un sol invisible plutôt que de tomber. Je ne crois pas vraiment avoir ce super pouvoir. Après j’imagine que la situation est similaire à la chute libre ; il faut avoir confiance en son équipement, surtout ne pas commencer à se poser trop de questions et installer le doute. Tinny me propose en premier de me jeter dans ce trou de glace que l’on vient juste de trouver ; j’imagine qu’il me fait donc confiance pour en sortir en un seul morceau. Du coup, lorsqu’il me propose de laisser mon sac à dos derrière si je souhaite être plus à l’aise, je décline l’offre bien motivé à ne pas le décevoir. Après tout, qu’est-ce qui peut bien m’arriver ? Je suis assuré, la corde est tendue, au pire je tombe de quelques centimètres. Je respire un grand coup. J’avance vers le gouffre comme si de rien n’était. J’imagine un sol invisible.
D’une seconde à l’autre me voilà entraîné dans une chute plus longue que de raison avant de frapper de plein dos sur un des rebords de la crevasse, deux ou trois mètres plus bas.
Je ne comprends pas ce qui vient de m’arriver. Je regarde autour de moi, cherchant des réponses. Je suis en effet toujours assuré, mais sous l’effet de mon poids et d’une neige fondante d’un après midi ensoleillé, la corde s’est enfoncé profondément dans le sol. En conséquence, j’ai eu la “chance” de pouvoir tomber aussi bas. Ayant gardé mon sac à dos, j’ai malgré tout eu le confort d’atterrir dessus tel un airbag géant. Tinny me demande si tout va bien. Affirmatif. Il est temps pour moi désormais de me sortir de ce trou.
5h du matin. J’entends le vent souffler à toute allure, frappant sans merci les fenêtres du refuge. Tout le monde dort encore. Je jette un œil vers l’extérieur, le ciel a l’air d’être dégagé. Je tends l’oreille, pas de signe de Tinny. Je referme l’oeil.
6h, toujours le calme plat au refuge. 07h, même histoire. Je me résigne à l’idée que notre ascension a été annulée. Je me rendors.
07h30, j’entends des bruits de pas. Je m’habille pour voir ce que Tinny a en tête. Le vent en effet trop violent a compromis nos espoirs de grimpe pour aujourd’hui. Je n’ai pas le temps d’afficher ma déception qu’il me propose des pancakes, des oeufs et du bacon en guise de petit déjeuner. Cela change des céréales en quatrième vitesse. J’accepte la consolation et mange plus que de raison. On passe une bonne partie de la journée à s’entraîner en intérieur. Descendre en rappel l’escalier, s’accrocher aux poutres et revoir les différentes techniques de sauvetage en crevasse. Une fois la neige bien fondue par la chaleur du jour, on se met en marche sur le glacier. Autrement dire, autant jouer à la marelle en plein terrain miné. Heureusement, non loin de là, notre guide identifie une crevasse parfaite pour notre mise en pratique.
La suite, c’est bibi se retrouvant quelques mètres plus bas à essayer de remonter à la surface. Cela m’a bien pris vingt minutes d’acharnement avant de me résigner et accepter l’aide d’en haut pour littéralement me tirer d’affaire. La corde étant tellement prise dans le sol, cela demandait beaucoup d’efforts pour creuser une tranchée autour et progressivement me hisser vers la surface.
Une fois sur la neige ferme, une petite illumination sème le doute dans ma tête. Mon tout nouvel appareil photo que j’aime tant se trouvait dans le sac à dos sur lequel je me suis écrasé quelques minutes plus tôt. Et si… ?
Je sors mon bébé pour analyser l’état, tout en essayant de ne pas mettre de neige partout… pour finalement me rendre compte qu’il n’a pas reçu le moindre impact. A croire que mon petit système de papier bulle couplé à un dry bag gonflé d’air ne fonctionne pas si mal en guise de caisson de choc pour électronique. A que cela ne tienne… je retourne dans la crevasse, mais pour prendre des photos cette fois-ci. Descente en douceur avec le soutien de l’ami Ben ; une chute par jour, c’est bien suffisant.
Tout ceci nous fait prendre de plus en plus confiance en nos capacités, notre équipement et l’équipe qui nous entoure. C’est un plaisir d’apprentissage, je ne cacherai pas qu’il s’agit là du genre d’aventures que j’espérais et Tinny nous y guide à merveille. La quantité d’information à retenir est cependant toujours conséquente ; j’ai bien peur qu’il ne me faille plus que ces quelques jours pour tout assimiler.
Demain s’annonce comme une journée très humide, donc on va continuer l’apprentissage en intérieur avec pour espoir de garder jeudi et vendredi comme opportunités d’ascension. Si seulement la météo pouvait revenir en notre faveur. D’ici là, je vais essayer de dormir un peu. Besoin de décompresser de toutes ces émotions.



Mercredi 5 Février 2014 :
5h du matin. Mon premier cycle de sommeil terminé, je suis réveillé avec une envie pressante. En temps normal, je me serai rendormi. D’autant plus qu’aujourd’hui est annoncé comme une journée théorique, donc pas de quoi se lever aux aurores. Néanmoins, la curiosité me pousse à pointer le bout de mon nez dehors, jusqu’aux toilettes. A ma surprise, il n’y a aucun bruit à l’extérieur. Pas le moindre vent. Le ciel est totalement dégagé. Je suis bouche bée vu la météo qui était annoncée. Cela ressemble beaucoup trop au calme avant la tempête. Je retourne me coucher.
6h10, Tinny vient nous réveiller. Calme avant la tempête ou pas, il ne veut pas laisser passer cette chance de sommet. On se prépare donc à toute vitesse.
C’est dans des conditions parfaites qu’on s’attaque à la face sud de Mt Aylmer. Le pic n’est pas bien haut à 2699m, mais cela représente une bonne occasion de mettre en pratique toutes les notions de ces derniers jours. Au fur et à mesure que l’on grimpe, les nuages gris pluvieux nous encerclent de plus en plus.
Cela ne nous prive pas de notre ascension, avec un final sur les coups de midi. La vue de là-haut est magnifique. La chaîne de montagne, la vallée, et surtout le plaisir de pouvoir s’asseoir a cheval sur le sommet, avec littéralement une jambe sur chaque flanc. L’expérience même est une récompense en soi.
De retour au refuge, l’après midi a été placé une nouvelle fois sous le signe de la détente et autres préparatifs habituels des jours à venir. Quelques cours théoriques en bonus, de quoi finir de traiter des points d’ancrages, alors que la tempête nous a finalement rattrapé. C’est en savourant un chocolat chaud qu’on observe la neige tomber à gros flocons dehors. Cela rappellerait presque Noël. Mais pas le temps de rêvasser pour autant. Demain, ce n’est pas pour le sapin et les cadeaux qu’on va se réveiller, mais pour un nouveau sommet à conquérir. Bien qu’après tout, c’est juste une autre forme de cadeau. A la différence que celui là, il n’est pas question d’aller le chercher en pantoufle !


Jeudi 6 Février 2014 :
L’enseignement n’est pas une chose aisée, loin de là. Je l’ai ressenti la semaine dernière avec Dave, je me re-interroge sur la question ce soir. Je reconnais que la question de l’alpinisme n’est pas facile à traiter dans le sens où la moindre erreur peut être fatale. Après, j’estime que chaque individu a une manière différente d’appréhender les formations. Certains auront besoin d’un système rigide pour évoluer, d’autres au contraire de quelque chose de plus souple. Certains auront besoin d’être régulièrement recadré, en haussant la voix si nécessaire, quand d’autres recherchent quelque chose de plus calme et posé.
Personnellement, je ne supporte simplement pas qu’on monte le ton. Je pars du principe que même si le sujet est important, il doit être possible de l’enseigner en gardant son sang froid. Je ne crois pas au rabaissement de l’individu et au négativisme. Au contraire, j’ai espoir qu’en motivant les personnes pour progressivement leur donner confiance en valorisant leurs qualités tout en les aidant à travailler sur leurs défauts, n’importe qui est capable de se surpasser. Et tout cela sans avoir besoin de crier. Après, nous sommes tous humains, avec nos bons et mauvais jours, aussi bonnes soient nos intentions originelles.
Ce matin la météo était parfaite. A 6h30, tout le monde était équipé, prêt à partir pour Hochstetter Dome (2827m). On assiste à un sublime lever de soleil sur la chaîne de montagne, alors que chacun est perdu dans ses pensées, marchant mécaniquement vers la mission du jour. En passant, il s’agit là toujours d’un dilemme solaire dans la tête de l’alpiniste. Dans l’ombre et le froid, tout le monde n’attend que le réchauffement de l’astre orangé. Néanmoins une fois au dessus de nous, c’est la fonte des glaces en un temps record, rendant l’ensemble de l’expédition impraticable. Et ce, sans même parler de l’ouverture des crevasses et des coups de soleil éclair. Tout cela nous empêche pas de nous rapprocher du dôme pour autant, et de commencer l’ascension à proprement parlé. Cordes, marteau, piolets, points d’ancrage… nous voilà parti.
On atteint le sommet sur les coups de midi et demie. Le plaisir d’y être malgré un vent déchaîné et la vue imprenable sont indiscutables. Ce qui est plus frustrant, c’est qu’en route notre cher Tinny a plusieurs fois estimé nécessaire de hausser le ton tout en usant de sarcasmes quand au contraire on avait juste besoin de réconfort et mise en confiance. De mon point de vue, on a mis le nez dans une discipline il y a moins de deux semaines, il est donc évident que l’on va faire des erreurs et ne pas battre des records de vitesse. De son point de vue, après en avoir discuté au soir, il estime que si il a répété quelque chose plusieurs fois, on doit l’avoir assimiler et que c’est suffisamment dangereux là-bas qu’il est de son devoir de nous remettre en place si on fait des erreurs. Ce que je comprends et respecte, bien que je sois triste que cela doive se passer ainsi. Je suis assez primaire dans mon fonctionnement. J’avance plus loin quand on me donne une carotte plutôt que des coups de battons. Qu’importe après tout, comme dit plus haut, nous sommes tous humains, ayant des jours avec et des jours sans (patience). Et je sais que Tinny avait mal dormi la nuit derrière.
Le retour aura été rock’n'roll à cause de notre retard. On s’est retrouvé à traverser un terrain miné de crevasses. Tinny guidait l’équipe sur ce coup là, tous les cinq accrochés à la même corde. A juste titre, car on a eu le droit à une démonstration involontaire. Je vois notre guide, devant moi, tâtant la neige, cherchant un raccourci par dessus une crevasse. Je garde la corde bien tendue pour l’assurer si besoin. Il semble confiant, il s’élance. La scène est digne d’un dessin animé ou d’un vidéo gag si ce n’était pas sérieux. En une micro seconde, il disparaît sous la neige, son bâton de marche volant au dessus de sa tête. Je m’arrête net, chercher à être le plus stable possible dans la poudreuse, pour l’aider à sortir. Mes compagnons en font de même, tirant sur la corde comme des yaks en furie. En réalité, Tinny va bien et il s’en sort sans souci. Comme il dit, “just another day in the office”, tellement c’est courant. Il n’empêche que la situation surprend toujours sur le coup.
Retour au refuge un peu avant 16h, le reste de la journée n’a pas vraiment brillé par notre dynamisme.
Des crackers et du fromage, repos au soleil, un peu de ménage et de vaisselle car ça commençait sérieusement à ressembler à une chambre étudiante là-dedans. Puis dîner et soirée au chaud. De quoi se remettre en forme avant d’attaquer notre dernière journée en montagne. Dur d’imaginer qu’on aura passé la semaine sans voir personne d’autre. Le refuge, ainsi que l’ensemble du Tasman Glacier et les montagnes avoisinantes n’auront été que pour nous. C’est un luxe dont aura bien profité tout au long de ce séjour !


Vendredi 7 Février 2014 :
La question aujourd’hui est de savoir ce que l’on veut faire. Le programme du TMC est dense au point où on ne pourra malheureusement pas tout couvrir. Même si l’idée de construire une sorte d’abri de secours en neige tout en dormant dedans étant plus qu’attractive, c’est notamment un des points qu’on n’aura pas le plaisir de couvrir. La question est également de savoir est-ce que l’on souhaite grimper une fois de plus – et donc faire de la pure pratique – au détriment de nouvelles connaissances, ou inversement. On aurait pu partir pour une nouvelle ascension, mais on a préféré terminer par un cours. Pas n’importe lequel cependant, car il s’agit d’un sujet qui me tient à cœur pour mes prochaines aventures, à savoir l’extraction de crevasses. Si l’autre jour était intimidant, aujourd’hui on est allé jouer avec le grand frère du monstre de glace. Environ deux trois mètres de large, une cinquantaine de long et six à sept mètres de profondeur jusqu’au premier niveau, il y a de quoi s’amuser.
L’avantage étant que maintenant je me sens plus en confiance sachant à quoi m’attendre. J’ai malgré tout laisser mon sac à dos derrière pour éviter une nouvelle chute sur mon appareil photo. Dernières vérifications de sécurité, puis je m’élance dans le vide. La chute surprend toujours, bien que plus en douceur cette fois-ci considérant que je termine suspendu tel un jambon dans un bar espagnol. Ce qui change désormais c’est que ce n’est pas à moi de m’extraire, mais à mon compagnon de montagne, en l’occurrence Ben, de mettre en place un système pour m’en sortir sans que je n’aie à fournir le moindre effort. Alors du coup, je passe une bonne vingtaine de minutes suspendu au bout de ma corde, à profiter de la vue, prendre des vidéos à la GoPro et faire des batailles de boule de neige avec Michael qui comme moi, attend d’être “secouru”.
J’ai évidemment aussi eu à jouer les “secouristes”, et je dois dire que c’est passionnant. Malgré le poids du partenaire attaché à ma taille et suspendu dans le vide, je parviens à basculer la charge sur un point d’ancrage, pour mettre en place un système de poulie 6:1 permettant d’extraire l’individu en toute sécurité sans avoir même besoin de trop forcer. Vraiment ingénieux ce qu’on peut arriver à faire avec une corde, quelques ficelles et mousquetons. Ce sera sûrement une autre histoire le jour où je tomberai dans une crevasse attaché à un traîneau de 200kg, par moins trente degrés… mais je ne suis pas encore dans cette situation. Chaque chose en son temps.
L’expédition sous-terraine terminée, on a continué sur la note secourisme en simulant des recherches de balise en cas d’avalanches. Tout cela nous rapprochant rapidement de 15h30 et de notre retour. L’hélicoptère est venu nous récupérer au milieu du glacier afin de nous ramener au village. On a eu le droit à un vol épique, prenant un petit détour au dessus des montagnes, rasant les sommets plutôt que la voie rapide par la vallée. Splendide.
Une bonne douche pour se remettre des émotions ; après une semaine de transpiration et autres odeurs de yak au point de ne plus se rendre compte que l’on sent mauvais… cela fait toujours plaisir.
Dîner au pub avec l’équipe pour célébrer le retour à la civilisation et demain annoncera le dernier jour de cette formation. Au programme : escalade. D’ici là, repos à la très confortable Unwin lodge.

Samedi 8 Février 2014 :
J’ai du mal à identifier quel a été le point fort de cette journée. Une séance d’escalade grade 15 ou un steak façons Myles. Entre l’effort physique et le réconfort gastronomique, il est dur de choisir. A moins que ce ne soit la confrontation avec la police néo-zélandaise sur fond de course poursuite. Tout est il que j’aurai eu le droit à un final riche en émotions pour clôturer ce TMC – Technical Mountaineering Course.
Après un réveil en douceur, on s’est mis en route pour attaquer une dernière séance de grimpe, mais cette fois-ci au Sebastopol Bluffs, non loin du village. Après plusieurs essais de chaussure, je me résigne à partir en tennis ; j’ai toujours eu du mal à trouver ma pointure en terme de chaussons d’escalade, vue la largeur de mes pieds de hobbit.
Encordé avec Michael, on se lance sur la paroie verticale. En soit, le niveau est plus qu’abordable avec de nombreuses prises, mais malgré mon intérêt, je n’ai jamais excellé dans les parois verticales. Mon défaut principal étant de ne pas utiliser suffisamment mes jambes au détriment des bras, j’ai bien l’intention de le prendre en considération. Tinny essaye de m’encourager avant de partir. Il me répète ce que lui se dit toujours avant de se lancer pour se donner confiance. “Feeling light, feeling strong… feeling light, feeling strong…”
Le premier pitch se passe sans encombre, mais je bloque au début du second. Tout ce que je ne voulais pas avoir, bloqué à la verticale, ne faisant plus confiance à mes pieds… et une jambe qui commence à trembler. J’essaye de me calmer, me détendre, respirer profondément, y aller progressivement, et j’arrive finalement à me sortir d’affaire sous les gentils encouragements de Michael. Le dernier pitch se révèle sans souci et je le termine en douceur afin de pouvoir apprécier la vue sur l’ensemble de la vallée. Une barre de chocolat, quelques photos et il est temps de redescendre en rappel.
Dernières révisions et échanges de trucs et astuces, puis nous voilà de retour au centre d’Alpine Guides. On boucle les formalités administratives de fin de formation, pour la terminer officiellement sur les coups de 16h.
Waouh. Un mélange de soulagement et de satisfaction, la tête encore dans les montagnes, à la vue des deux dernières semaines et de tout ce que j’ai eu la chance d’apprendre. Et surtout de beaux projets pour la suite.
Ma prochaine destination à court terme est du côté des nuages du parc national d’Abel Tasman. De quoi retrouver les plaisirs de la chute libre, sans corde cette fois-ci. N’ayant néanmoins pas la motivation d’enchaîner sur dix heures de route ce soir, j’avais initialement prévu de faire une bonne nuit de sommeil pour partir demain. Je reçois alors un message de Myles m’invitant à dîner et rester chez lui au soir. Habitant à Christchurch avec sa compagne Zoé, je me laisse tenter par l’idée de couper la route en deux, tout en retrouvant mon compagnon de la première formation. A 4h de route, je ne suis malgré tout pas encore arrivé et je ne tarde pas à m’activer.
A dire vrai, je me lance dans une conduite quelque peu au delà de la vitesse limite nationale de 100km/h, histoire de ne pas arriver trop tard chez mon hôte. Vers 19h, je croise une voiture familière venant dans la direction opposée. Mince, police !
Je lâche la pédale d’accélération et laisse le moteur couler tout en dépassant cette dernière. Les yeux rivés dans le rétroviseur, j’observe impuissant ce qui devait arriver. La sirène se met en route, la voiture fait un demie tour en pleine voie et me prend en chasse. N’ayant pas l’intention de faire le malin – sachant que je suis clairement en infraction – je me range sur le bas côté. Monsieur l’officier vient alors me questionner sur ma vitesse. “Vous allez beaucoup trop vite monsieur… vous savez quelle est la vitesse limite ici ?” “Oui, 100km/h…”
Il s’avère qu’il vient de me flasher à 127, ce qui me place à 2km prêt dans la tranche d’amende particulièrement onéreuse. C’est alors que dans la plus grande gentillesse kiwi, l’agent me propose de faire comme si il m’avait pris à 125 km/h, histoire de me faire payer moins cher. “Mais roulez prudemment surtout !”
Il avait l’air presque désolé de me mettre une amende. Cela n’arrive vraiment qu’en Nouvelle Zélande ce genre de réaction ! Un coup de chance en passant que j’aie un permis étranger et anglais, cela me permet également d’éviter la perte de points. Je reprends donc la route dans la foulée, plus calmement cette fois-ci.
A 21h chez Myles, il est trop tard pour aller au restaurant. Ce qui au fond n’a jamais été un problème considérant les grands talents de cuisinier du monsieur. On part dîner dans l’appartement de Zoé et de son amie Emma, ce qui me permet de vite me rendre compte que je suis entouré d’apprentis chefs gastroniques. On se régale autour d’un délicieux steack enrobé de bacon, pomme de terre au four, petites carrotes dorées et salade, le tout servi avec un bon pinot noir. L’ensemble de la cuisson et la préparation est tout simplement excellente. J’en profite pour apprendre comment juger la bonne cuisson d’une viande. Les muscles du pouce permettent en effet, au toucher de la viande, d’en comparer la fermeté, et ce, sans avoir à la piquer, afin d’obtenir une cuisson parfaite bleue, saignante, a point ou bien cuit. Épatant.
J’enchaîne sur une charmante soirée / matinée accompagné de l’adorable couple. Petite visite de Lyttletown et constation de l’état post tremblement de terre de 2011.
Un dernier repas ensemble et il est temps pour moi de reprendre la route. La fin d’une aventure terrienne, le début d’une nouvelle aérienne.


 
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Posted in 2014 : New Zealand the 08th of February, 2014

 

Mountain Experience Course, Southern Alps, New Zealand

31 Jan 14

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Dimanche 26 Janvier 2014 :
Après quelques jours de battement dans ma terre d’accueil néo-zélandaise, il est temps de me préparer pour une nouvelle aventure. Les récits d’alpiniste et autres explorateurs m’ont souvent intrigué. Semblant être la suite logique du trek en montagne, j’ai saisi l’occasion de tester si oui ou non c’était une activité vers laquelle j’aurai envie de me diriger.
Faisant route pour les Alpes du Sud, je suis arrivé du côté de Mt Cook, sommet de notre beau pays. Au travers Alpine Guides, organisme exerçant dans la région depuis les années 1960, j’ai pu attaquer ce matin une formation via deux modules s’étalant sur deux semaines. Le premier a pour but de donner aux trekkeurs le goût de la haute montagne, tout en assurant une transition en douceur. Le deuxième se veut beaucoup plus technique pour tous ceux qui sont sérieusement intéressés par l’alpinisme.
Accompagné de Sean, Myles et Ciaran pour ce premier module, nous serons guidés par Mr Dave. La tranche d’âge tourne autour de 22 ans, quant au niveau, on verra ce qu’il en est demain en montagne.
La journée n’aura été qu’une longue préparation de la semaine à venir alors qu’il n’a pas cessé de tomber une pluie torrentielle dehors.
A juste titre, le guide a fait le tour de nos sacs pour nous dire d’enlever tout ce dont on n’aura pas besoin. Évidemment, l’expérience sera d’autant meilleure si nos sacs sont légers. Néanmoins, cela a entraîné chez moi certaines frustrations. Même si j’ai tout à apprendre en matière d’alpinisme, question marche et survie en autonomie, je commence à connaître mon corps et me satisfaire d’un équipement particulier. Avant de partir il nous a fait signer une décharge concernant les risques inhérents à une telle activité. De la même manière, je souhaite avoir mon matériel si cela devait tourner au vinaigre. Quitte à porter plus lourd, mais au moins je suis en confiance.
Après c’est le premier jour et je n’ai pas envie de commencer à jouer les têtes brûlées. Donc oui, je laisse une bonne partie de ma trousse à pharmacie derrière moi, mais non je refuse, d’abandonner mon Leatherman, mes compresses pour les pieds ou encore mon kit photo/vidéo.
Après ne me demandez pas mon avis sur la nourriture à prendre ou laisser derrière, je ne connais pas le niveau de difficulté à venir et donc la quantité d’énergie dont aura besoin pour accomplir chaque journée. En attendant tout ce que je sais c’est qu’il pleut encore et ce soir… et on dort au village.
Espérons que demain apporte quelques éclaircissements sur les montagnes et tous ces questionnements.

Lundi 27 Janvier 2014 :
La nuit à l’Unwin Lodge aura été compliquée. Pourtant, à part quelques ronflements, on est proche du tout confort. Le problème est que j’ai eu l’intelligence de tomber malade à mon retour de Samoa. Une simple crève au fond, mais en pratique cela veut dire la nuit passée entre nez bouché et nez qui coule, tout en essayant de ne pas réveiller les voisins.
Au final à 6h30 debout pour ma part, le groupe s’est mis en marche sur les coups de 9h. Le ciel s’est merveilleusement dégagé pendant la nuit. L’objectif du jour, le Mueller Hut à 1800m avec un départ du village à 800m. Avant de partir, Dave pèse une dernière fois mon sac, s’inquiétant du poids. Il finit par demander si j’ai l’habitude d’une telle charge, car si ce n’est pas le cas, je ferai mieux de laisser une partie de mon équipement derrière, tant qu’il est encore temps. Ma réponse est évidente. Au delà de mes habitudes, c’est aussi l’occasion pour moi de continuer mon entraînement. Je suis là en formation, à savoir pour apprendre mais aussi tester mes capacités et connaître mes limites. De telle sorte que le jour où je pars pour une expédition sérieuse, je serai en mesure d’être le plus efficace possible en connaissant la manière dont mon corps réagit avec telle ou telle charge sur les épaules.
Les quatre heures d’ascension ont été évidemment fatigantes, mais se sont déroulé sans encombre. Je sais que plus les jours vont passer, mieux mon corps va s’adapter au poids, et la quantité de nourriture à porter va diminuer. Ciaran, quant à lui, a eu plus de problèmes du fait d’un genoux douloureux. Pour l’aider, on lui a administré un petit cocktail de calmant et réparti une partie de son chargement entre le reste de l’équipe.
De là-haut, la vue sur Mont Cook est magnifique.
L’après midi aura permis les premiers apprentissages en neige : du niveau le plus basique à savoir apprendre à marcher dans la poudreuse et se servir d’un piolet jusqu’à maîtriser les techniques d’arrêt d’urgence et ce, dans toutes les positions possibles. Le but du jeu étant de se lancer dans une glissade incontrôlée et parvenir à s’arrêter le plus vite possible. Même si on part sur le dos ou la tête la première. On peut imaginer à quel point cela se révélera utile en cas de dangereuse chute pendant une ascension. On mange la neige plus d’une fois, mais la technique finit par rentrer. Épuisé d’une journée bien remplie, on rentre au campement pour profiter d’une nuit au grand air. En espérant que, cette nuit, une couverture étoilée viendra réchauffer nos rêves…

Mardi 28 Janvier 2014 :
La sélection naturelle. Un concept intéressant décrivant la survie d’une espèce au détriment d’une autre. Cruel mais pourtant inévitable et totalement admis quand il s’agit d’animaux. Mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’humains ? Qu’en est-il dans le cas d’une expédition où les conditions sont extrêmes et l’objectif relevant du défi. Que ce passe-t’il lorsqu’une personne compromet la réussite d’un tel accomplissement ? Lorsque face aux rêves de certains ayant alimenté tant de sacrifices et d’entraînements, un seul individu risque de tout anéantir ? Ou pire, mettre en danger la vie de tout un groupe ? Que faire dans une telle situation ? Est-il si facile de faire demie tour en faisant une croix sur tout ça ? Ou est-ce que des décisions extrêmes sont admises face à des situations extrêmes ? Est-il facile d’écouter la raison dans de telles situations ?
Je n’ai pas la réponse à ces interrogations. J’ai du mal à imaginer comment je réagirai pris dans une telle problématique. Mais cela me fait de plus en plus réfléchir. Au Groenland, on a fait rapatrier une quinquagénaire suite à une blessure à la cheville, car elle compromettait l’ensemble de l’expédition. Ces jours-ci, Ciaran, du haut de ses 21 ans, a des problèmes de genoux et manque clairement d’entraînement. Cela ralentit l’ensemble du groupe et nous empêche de pousser autant que nous le voudrions. Dans l’absolu ce n’est pas bien grave, tout ceci n’est qu’une formation, donc cela semble naturel de s’adapter tout en gardant le sourire. Néanmoins cela vient souligner à quel point il est important de bien choisir son équipe dans de telles expéditions.
Parenthèse mise à part, la nuit aura été visuellement incroyable. Au final, même sous des températures frôlant les zéro degrés, j’ai presque eu trop chaud en dormant. Sac de couchage, toile, bivy bag… je ne risquais pas de me refroidir! Chaque réveil était aussi l’occasion de contempler les milliers d’étoiles de la voie lactée en spectacle pour nous au milieu des montagnes. Malheureusement, mes compétences photographiques ne me permettent pas encore d’immortaliser de tels moments, mais je tiens bien à y remédier rapidement.
La matinée aura permis l’apprentissage des crampons, ces drôles de montures métalliques pointues permettant la navigation en douceur sur les pentes glacées.
L’après midi a été une mise en pratique avec l’ascension d’un tout petit sommet non loin du refuge. Il est amusant de noter à quel point les premiers pas sont hésitants, bien que justifiés ; la moindre chute peut s’avérer fatale. Néanmoins au retour, la confiance gagne, les habitudes rentrent et on s’élance à travers neige tel des gazelles pleine d’optimisme. Dans l’absolu, il y a toujours des passages difficiles où il faut s’accrocher et c’est l’enchaînement de petits pas, les uns après les autres, qui permettent de progressivement nous sortir d’affaire. En tous cas, du fait que je parte de zéro, je ne peux que progresser, et cela fait plaisir de ressentir une évolution au fil des heures.
On campe de nouveau à la belle étoile ce soir, même endroit qu’hier. A priori il s’agit de la dernière opportunité pour nous avant que la tempête ne vienne s’installer demain. En attendant, je vais essayer de profiter du spectacle stellaire une fois de plus.


Mercredi 29 Janvier 2014 :
La journée s’annonce une nouvelle fois radieuse malgré le changement annoncé pour la nuit prochaine. C’est donc le moment d’aller s’amuser en montagne. La mission du jour sera Mt Kitchener à 2042m. Mais avant tout, profitons de la fraîcheur matinale pour apprendre de nouvelles compétences essentielles à la suite du parcours. Une fois les différents points d’ancrage mis en pratique, chacun approprié pour des conditions de neige différentes, on se met en marche pour le sommet. Ciaran ne sera pas des nôtres cette fois-ci ; l’occasion pour lui de reposer son genoux… et pour nous d’aller plus loin, aussi cruel soit-il à admettre. Dave nous permet à chacun de prendre respectivement la tête de l’encordée, nous permettant à tous d’être en conditions réelles et réaliser les progrès correspondants. En parlant de corde, on en voit dans tous les sens : en ascension pour la sécurité jusqu’à la descente en rappel. L’occasion de s’amuser un peu, même si cela fait beaucoup de connaissances à assimiler d’un coup. A notre niveau, c’est surprenant de noter à quel point une ascension aux apparences rapides devient une épreuve de plusieurs heures lorsqu’il s’agit de faire monter et d’assurer toute une équipe, les uns après les autres, en plaçant les points d’ancrages correspondants.
Arrivé à quasi destination, le passage rocailleux final sonne comme un espace de liberté. Alors que les autres sont moins à l’aise, étant pour ma part habitué avec ce genre de terrain via le Groenland, l’Islande et autres contrées népalaises, je me fais plaisir et me défoule comme un enfant. Au moins ici, je n’ai pas à craindre des pieds gelés à cause de chaussures non imperméabilisées. Note pour la prochaine fois : trouver le moyen d’acheter les miennes à ma taille, plutôt que de me retrouver contraint une fois de plus de louer celles du centre.
La vue du sommet est plutôt agréable malgré un vent qui se lève de plus en plus. Quant au retour, il aura été plus relaxant si on considère les descentes dans la poudreuse en se servant des chaussures en guise de ski… ou des fesses en guise de luge.
Soirée à l’abri du refuge avec Myles nous faisant une fois de plus l’honneur de ses talents de cuisiner. Le vent se déchaîne ici. On dirait que la tempête n’est plus bien loin.


Jeudi 30 Janvier 2014 :
Ce n’est pas facile d’enseigner. On choisit rarement ses étudiants, on ne partage pas forcément les mêmes affinités et tout simplement il y a des jours où on n’a pas envie de faire d’effort. Je comprends trop bien tout cela, ayant à porter cette casquette régulièrement. Mais à côté de cela, il y a des limites à essayer de ne pas franchir, surtout au début quand on ne connaît pas bien qui on a en face de soi. A savoir, par exemple, essayer de ne pas frustrer la personne, ne pas la démotiver et autant que possible ne pas s’énerver. Parce qu’on est humains malgré tout, aucun dérapage n’est inévitable, mais je pense qu’il est important d’en parler à posteriori pour les raisons évoquées ci-dessus.
En toute objectivité, on peut dire qu’on n’est pas parti du meilleur pied avec mon guide. J’imagine que lorsqu’il me dit qu’une partie des affaires que j’emporte est inutile et qu’au final je me retrouve avec un sac plus lourd que ce qu’il aimerait, il doit considérer que j’ignore ses conseils. La réalité est que je les écoute, mais cela ne m’empêchera pas de pousser mon entraînement plus loin en portant plus. Et ce, à partir du moment où je tiens la cadence et que je ne crée pas de problème pour la sécurité du groupe ou la bonne réussite de la formation. Il est ensuite de son devoir de râler si je fais des choses dangereuses, mais si je me penche pour décrocher un point d’ancrage, c’est que j’ai pris le soin d’assurer mon équilibre au préalable. Entre parenthèses, comparé à ce qu’on fait accroché aux ailes d’un avion en vol (…) je me sens suffisamment en sécurité quand j’ai les fesses confortablement posées sur un énorme rocher au milieu des montagnes et que je penche un petit peu en arrière. Pour finir, si je ne suis pas capable de refaire un nœud en particulier ou une technique d’encordage après me l’avoir montré qu’une ou deux fois… ce n’est pas que je suis stupide ou que je mets de la mauvaise volonté. Il s’agit simplement du fait que tout cela est nouveau pour moi, représente beaucoup d’informations, et qu’il va sûrement falloir me le montrer une troisième, quatrième voir cinquième fois pour que cela devienne un automatisme. Si j’ajoute à cela le fait que je sois toujours malade et que cela commence à tomber dans les bronches pour ma plus grande frustration…. j’ai juste envie de dire que d’un côté comme de l’autre, on a sûrement dû mal s’y prendre et on peut ressentir quelques étincelles dans l’air. Rien de bien grave, l’important est d’en avoir conscience pour améliorer la situation. Soit dit en passant, c’est d’autant moins grave que ce premier module se terminant demain soir, je vais bientôt changer d’équipe et de guide quoi qu’il advienne. Si seulement je pouvais être également guéri d’ici là, ce serait un soulagement d’attaquer la deuxième semaine avec un souffle en pleine santé.
Tout ceci mis à part, cela nous avance pas sur le programme de la journée. Rappelons qu’il était annoncé pluvieux. On a en effet eu une tempête la nuit passée ; les vents ont soufflé violemment dans les parages, avec un climax vers quatre heure du matin quand notre guide a eu une expérience somnambulique. A moitié endormi au refuge, il se “réveille” entre les quatre murs du dortoir. Pris d’une crise de claustrophobie, la fenêtre fermée semble apparaît comme sa seule issue… il ne tarde donc pas à essayer de défoncer la vitre à plein coup de poing… avant de se réveiller pour de vrai. Tout comme le reste de la chambrée, terrifié d’un tel vacarme, ne comprenant pas si on vient d’être frappé par une avalanche ou un tremblement de terre.
La matinée a néanmoins apporté son lot de consolations et de douceurs avec des éclaircies venant chasser tous les démons. L’occasion de pratiquer les techniques de corde et ses dizaines de nœuds, accompagnés des différents points d’ancrage utilisés en escalade. Ciaran nous abandonne une nouvelle fois, pendant que le reste de l’équipe part mettre en pratique ces nouvelles connaissances sur les roches voisines. Les voies choisies étaient plus que faciles, mais qu’importe, l’idée est de tester ce que l’on vient d’apprendre en condition réelles, tout en cherchant à travailler sur ses défauts. Car autant si je suis à l’aise sur roche non verticale, même avec un sac à dos chargé, je reste malgré tout impulsif et non endurant. A courir dans tous les sens tel un enfant à Noël, je m’épuise encore trop rapidement. En ayant conscience, je sais que c’est un point que je dois améliorer.
La journée se termine avec un nouveau plat délicieusement crémeux façons Myles. Les nuages reprennent possession des lieux, le refuge est quasi désert. L’heure d’aller profiter d’une bonne nuit de sommeil avant de redescendre demain sur le plateau des vaches.

Vendredi 31 Janvier 2014 :
Dernier jour en ce qui me concerne vis à vis de ce premier module MEC – Mountaineering Expedition Course – et le tout assez tranquille. Le réveil avait un côté magique avec une couverture nuageuse de 300 mètres en dessous de nous, offrant un ciel bleu avec les montagnes baignant dans l’eau. On n’a pas traîné pour autant, décollant sur les coups de 8h30 pour arriver un peu avant 11h au village. Retour à la civilisation, avec l’inévitable douche chaude et vêtements propres après une semaine de vadrouille.
L’après midi est passé très rapidement, faisant quelques cours de navigation sans trop se fouler, en tongue et sous le soleil, accompagné d’une boussole.
Un bon steak et quelques verres de rouge au dîner pour terminer avec une nuit sous la couette ; ce soir, le sac de couchage restera où il est. Demain, de nouvelles aventures.


 
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Posted in 2014 : New Zealand the 31st of January, 2014

 

Goodbye Samoa

22 Jan 14

Lights & night picture, Apia, 01

Lights & night picture, Apia, 02

Lights & night picture, Apia, 03

Lights & night picture, Apia, 04

Lights & night picture, Apia, 05

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Mercredi 22 Janvier 2014 :
Le ciel est d’un bleu éclatant sur Apia ce matin. La saison des pluies qui aura été des plus violentes juste avant mon arrivée s’est comme mise entre parenthèses le temps de mon séjour. Il est néanmoins venu l’heure pour moi de rentrer en Nouvelle Zélande.
L’immigration Samoane demande un feedback en quittant le pays, de quoi améliorer les futures expériences touristiques. A mon niveau, pas grand chose à signaler ; Samoa est un beau pays qui mériterait bien plus d’une semaine pour apprécier l’étendue des dix îles qui le compose. On pourrait peut être penser à rajouter des pancartes avec le nom des rues et autres kilométrages entre les villages… mais après tout, cela enlèverait au charme des lieux! Peut être sinon dire a une certaine population d’arrêter de prendre les occidentaux pour des vaches à lait monétaires, mais même ça, cela reste encore gentil comparé à d’autres pays.
Tout ceci n’empêche pas le fait que j’ai eu plusieurs surprises ou découvertes au cours de ces derniers jours, donc je finirai ce chapitre Samoa avec une compilation de “Random facts” :
- Là où d’autres mettent des boites aux lettres en face de leur maison, les Samoans mettent une sorte de panier métallique en guise de poubelle géante. Du coup je ne sais pas où ils mettent le courrier… mais quant aux poubelles, je sais où ils les mettent, à savoir bien trop souvent par terre…
- La quasi totalité des terres du pays sont privatisées. Le point positif étant que cela a tendance à rester traditionnel, ou au moins profiter aux familles locales, plutôt qu’à des gros complexes touristiques. Le point négatif est qu’il faut bien souvent payer pour accéder à la moindre plage ou autre cascade.
- Le volley-ball se joue fréquemment dans la majorité des villages, mais le rugby est la fierté sportive nationale.
- Sur toute une journée passée sur la route, je crois que le nombre d’automobilistes ne m’ayant pas spontanément dit bonjour en me croisant doit se compter sur les doigts d’une main. Tout le monde se dit bonjour, c’est de la folie. Alors soit réellement ils se connaissent tous dans cette petite île, soit je crois que l’on bat des records d’amicalité.
- Quand il pleut, cela ne sert à rien de rester sous l’eau. Autant se mettre à l’abri et dans cinq minutes il fera beau.
- Pourquoi s’embêter avec des cimetières quand on peut rester chez soi pour l’éternité. Les Samoans semblent avoir pris l’habitude d’enterrer leurs proches dans le jardin. Ce qui entraîne des situations aux apparences surprenantes où les locaux se reposent dans leur jardin, allongés entre deux tombes. Ou en tant que touriste, on se retrouve à manger son pique nique dans le parc à côté de la tente du grand père qui elle même est à quelques metres de la fale où on s’apprête à dormir.
- La vie sans musique serait bien triste, surtout ici où on aime la partager haut et fort. Nombreuses sont les maisons qui ont leur chaîne allumée à longueur de journée. Sans même parler de tous les bus locaux qui crachent des décibels à pleine enceinte, chaque conducteur y allant de sa compilation préférée, à savoir bien souvent un mix Americano Samoan.
- Pour finir, on retiendra que les tongues sont les chaussures officielles du pays. Avec ou sans cravate, ce sont les mêmes!

 
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Posted in 2014 : Samoa the 22nd of January, 2014

 

Exploring Samoa – D 5 – Apia

21 Jan 14


Samoan people 01, Apia, Samoa

Samoan people 02, Apia, Samoa

Samoan people 03, Apia, Samoa

Samoan people 04, Apia, Samoa

Samoan people 05, Apia, Samoa

Sunset 01, Apia, Samoa

Sunset 02, Apia, Samoa

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Mardi 21 Janvier 2014 :
Réveil difficile ce matin, je serai bien resté sous la couette jusqu’à midi. Mais étant mon dernier jour complet dans le pays, ce serait dommage de ne pas en profiter. Qui plus est, la marée haute étant à 9h45, je n’ai pas de temps à perdre. Une fois la question du petit déjeuner réglé, je me dirige vers la Paolo Deep Marine Reserve pour refaire une tentative aquatique. Normalement ici, il devrait y avoir le matériel à louer. Ou presque.  O combien naïf j’étais d’espérer pouvoir trouver des palmes à ma taille. Ils en ont qu’une, et c’est plusieurs pointures en dessous. Tant pis, je me contenterai du masque et du tuba.
Me voilà à nouveau en train de nager vers un trou dans l’océan. Même configuration qu’hier où je suis sensé pouvoir y apprécier une plus grande diversité marine. Mais de la même manière, de forts courants jouent une fois de plus en ma défaveur. J’ai beau être reposé, je peine ne serait ce que pour faire du sur place. Plus j’avance, plus les courants sont violents. Je regrette tristement de ne pas avoir prévu de palmes dans mes bagages…
Après plusieurs tentatives infructueuses et me fatigant plus vite que je ne le souhaiterai, je me rabats sur les espaces moins profonds qui offrent quand même une belle éventail de vie marine. Avant de commencer sérieusement à me faire emporter une fois de plus, quand je décide qu’il est grand temps de rentrer tant que j’en ai encore la force.
Un assortiment de poissons frits pour reprendre des forces en guise de déjeuner – suite logique après les avoir observés en milieu naturel… ou pas.
La fin de journée a pris des tournures plus culturello-artistiques. Visite du musée national pour en apprendre plus sur ce que c’est que d’être fier d’être Samoan, suivi de balades et séances photos dans Apia.
Amusé, je retrouve au coin d’une rue l’ami Belge a qui je dois mon arrivée à To Sua en voiture. Après deux ans supplémentaires à New York, il prévoit de venir s’installer définitivement ici avec sa femme qui travaille à l’ambassade et ses deux adorables enfants. Donc comme il me dit, je saurai où le trouver si je revenais un jour dans les parages. J’aperçois un peu plus loin les voyageuses en provenance d’Alaska, rencontrées également à Namua, qui continuent leur séjour culturel en quête d’inspiration romancière. Côte inconnus, des locaux viennent spontanément à ma rencontre. Évidemment certains voient uniquement un intérêt financier face au touriste occidentale qui par nature transpire l’argent. Mais d’autres souhaitent juste faire connaissance, en toute simplicité, échanger un regard curieux ou un sourire convivial. Tant de moments que j’aimerais capturer en image mais dont je ne me sens pas encore suffisamment à l’aise pour faire l’intrusion avec mon gros objectif. Alors je ruse, et j’utilise des moyens détournés pour capturer la population au milieu de mes portraits paysagistes. Et par moment, l’un d’eux me fait le plaisir de venir s’asseoir à mes côtés, intrigué, m’offrant son image le temps de quelques clichés.
Après un dîner, une fois de plus à base de poissons tant qu’à faire ce peu… une envie inexplicable me pousse le long des quais. Au moment même, ma seule intention est de capturer quelques dernières images nocturnes avant de quitter le pays. Je n’ai cela dit pas le temps de sortir mon appareil qu’une jeune Samoane m’interpelle et commence la discussion. Intrigué, je papote un peu, mais il semble qu’elle attend plus. On n’a plus rien à se dire et elle reste là, gigotant dans tous les sens en essayant d’éviter l’armada de moustiques qui se jette sur elle à chaque fois qu’elle s’immobilise. A côté de cela, ses amies l’attendent pour repartir. Elle ne démord pas et finit par proposer lourdement d’aller boire un verre. Je suis flatté, mais je n’y crois pas. Je doute que ce soir mon look de voyageur sentant la transpiration plus fort qu’un troupeau de yak à trois kilomètres à la ronde qui l’attire. Et son insistance après m’avoir presque sauté dessus dans la rue sans qu’on ne se soit jamais vu auparavant n’est vraiment pas crédible. Cela sent fortement l’attrape touriste ou attrape nigaud, qui dans le cas précis revient au même.
Mais peut être suis je une fois de plus de mauvaise langue ? En temps normal j’aurais continué ma route sans même chercher plus loin. Mais nous sommes en 2014, je n’avais pas vraiment prévu grand chose ce soir, donc je suis prêt à me laisser prendre au jeu. Peut être que je peux m’amuser de la situation si réellement elle cherche à m’arnaquer. Et si vraiment elle m’a arrêté pour mes yeux bleus, peut être que je passerai une bonne soirée. Je ne demande qu’à être impressionné!
Bon par contre, je n’ai plus un centime sur moi, il me reste le strict minimum pour quitter le pays demain. Et si je dois jouer le jeu ce soir, je dois y mettre un peu du miens. Je retire donc un peu d’argent : 40 Tala, à savoir environ 10 euros. C’est là le montant que j’accepte de me faire arnaquer ce soir. Je suis prêt à jouer, mais vue la situation, je ne prends pas trop de risques non plus.
La damoiselle dit aurevoir à ses amies et nous voilà partis!
Elle m’amène dans un premier bar et j’offre ma première tournée – jusque là tout est normal, galanterie oblige. Elle n’est pas très douée pour la conversation par contre. Elle m’avait dit vouloir parler, c’est à moi de relancer un sujet en permanence, quand elle ne regarde pas son téléphone toutes les cinq minutes. Elle n’a pas l’air méchante cela dit, donc je continue à jouer. Le verre terminé, elle me propose d’aller dans un autre club. Pourquoi pas, cela permet de découvrir le monde de la nuit à Apia que je n’aurai pas eu le plaisir de voir autrement. Elle me fait monter dans un taxi – que je paye – et on s’éloigne du centre. Là de suite, j’aime beaucoup moins. Je prends donc autant de repères visuels que possible, si jamais cela devait tourner au vinaigre, que je puisse rentrer à pieds par mes propres moyens si il le fallait. Dans l’absolu, ma boussole et ma lampe frontale ne me quittant pas, je devrais toujours pouvoir m’en sortir. Arrivé au club, l’endroit est désert. Mardi soir à Samoa, ce n’est pas vraiment un signe de grandes festivités! Il y a quand même de la musique, elle commande à boire et j’offre ma deuxième tournée. Une de ses amies sentant le bon coup nous a rejoint, par contre je suis désolé pour elle, mais je n’ai pas vraiment prévu de payer pour tout le monde. Une personne qui m’arnaque à la fois, c’est suffisant. La conversation ne s’améliore pas, et cela me fatigue de l’alimenter alors qu’elle regarde toujours autant son portable.
Une table de billard vient sauver la situation. Quelques personnes y sont rassemblées et on m’offre de rejoindre la partie. Je fais et, par coup de chance, gagne mon premier jeu. L’ambiance est décontractée, les joueurs sont sympathiques, je commence à m’amuser. La damoiselle me demande de lui repayer une tournée. Trouvant que cela commence à vraiment se voir et ne voulant pas déjà être désagréable, je me comporte comme si je n’avais pas entendu. J’enchaîne une deuxième partie de billard. Je m’amuse.
La damoiselle revient avec plus d’insistance pour que je lui paye à boire. Je lui fais comprendre que je n’ai plus d’argent et les quelques Tala qui me restent sont pour le taxi retour. Cela n’est pas vraiment la réponse qu’elle attendait. Elle se vexe et en moins de cinq minutes le taxi retour nous attend devant la porte, interrompant la partie de billard qui était en cours. Pour le coup elle est gonflée, mais n’ayant pas prévu de dormir ici de toutes façons, je rentre avec elle. De retour en ville, elle essaye une dernière fois sa chance en me demandant de lui offrir un dîner. Fatigué d’avoir assez joué et n’ayant plus à confirmer l’intérêt uniquement financier de ma partenaire du soir, je lui fais comprendre qu’elle s’est assez servie de moi et qu’il est temps de rentrer maintenant. Elle reprend sa route sans même daigner dire aurevoir.
Même si je n’ai aucun regret de mon côté car au final je me suis fait plaisir au billard et j’aurai découvert des coins – ainsi que la bière locale – que je n’aurai pas connu autrement. Par contre je trouve cela dommage et triste que les occidentaux soient encore trop souvent jugés par certains comme des vaches à lait dont il faut profiter autant que possible.
Cela dit à la base, j’étais quand même venu prendre des photos sur les quais. C’est donc ainsi que j’ai passé la deuxième partie de soirée, entre deux jeux de lumières en bord d’océan, pour pratiquer mes clichés nocturnes, tout en faisant mes adieux à ce beau pays.

 
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Posted in 2014 : Samoa the 21st of January, 2014

 

Exploring Samoa – D 4 – From To Sua, back to Apia

20 Jan 14

Togitogiga Waterfall 01, Samoa

Togitogiga Waterfall 02, Samoa

Sunset, Apia, Samoa

Carnets de voyage (sorry, only in french) :
Attention, il s’agit là uniquement de notes quotidiennes prises au cours de mon périple. Il n’y a rien de réfléchi, comme c’est écrit sur l’instant, donc à prendre avec des pincettes. C’est là uniquement pour les plus curieux qui ne sauraient se contenter des photos.

Lundi 20 Janvier 2014 :
Il y a cette lumière à côté des toilettes qui s’allume dès que quelqu’un est à proximité ou que le chien de garde a vu un fantôme. Au fond, ce n’est pas bien gênant, je ne dors pas à côté des toilettes.
Par contre, il y a quelqu’un qui vient juste d’allumer une lumière beaucoup plus lumineuse, éclairant une bonne partie du parc. Là par contre c’est gênant. Tout de même, je trouve que certains sont sans gêne pour venir troubler mon sommeil paradisiaque d’occidental. Je sors donc un œil, puis un deuxième, je me hisse au bord de ma fale pour identifier le coupable… et au final de me rendre compte qu’il ne s’agit que de la pleine lune venant de sortir de sa couverture nuageuse.
Je m’en retourne dans mon sommeil, bougonnant dans ma barbe.
Au réveil, mon hôte me refait le plaisir d’un petit déjeuner surprise, dans le sens où il n’y avait explicitement jamais été question de repas compris dans cette formule hébergement “bring your own everything”.
Rassasié, je m’active, bien décidé à me servir un peu de mes jambes pour changer, avant de ne plus me souvenir quel pied je dois mettre devant l’autre pour avancer. C’est donc à la marche que je me dirige en direction d’Aganoa Black Sand Beach, quelques 25km à l’Ouest de To Sua. Je progresse convenablement et les locaux m’aident à me diriger quand j’ai un doute ; même si des fois ils m’envoient en sens inverse, c’est toujours avec le sourire. Dans l’absolu il n’y a pas vraiment beaucoup de routes, ou plutôt il y en a qu’une, et ma boussole a toujours le dernier mot. Par contre, les 30 degrés constants, le soleil qui tape et un taux d’humidité à en faire dégouliner un chameau… je perds mon eau à une vitesse folle. J’ai beau en avoir plus de trois litres en réserve, je dois me retenir pour ne pas les boire d’une traite tellement j’en ai envie.
Environ deux heures plus tard, du côté de Salani, un certains Moni du haut de son pick-up s’arrête à mes côtés. Me questionnant sur ma destination, Il me propose de m’y emmener. N’ayant pas l’intention de vexer la communauté locale – et de toutes façons étant sur le point de m’étaler comme une glace au milieu du Sahara -, je ne me fais pas prier et grimpe à bord. En route, mon chauffeur d’un jour mentionne une cascade à proximité. Des centaines de mètres cubes d’eau fraîchement douce, cachés juste là, derrière la forêt… l’idée ne fait pas trois fois le tour de mon cerveau que je demande à Moni de changer les plans et de m’y déposer. La plage attendra bien un peu.
Cette nouvelle piscine naturelle ne semblait une fois de plus attendre que moi et c’est sans retenue que je m’y enfonce jusqu’aux oreilles.
Rafraîchis et remis de mes émotions, je reprends la route en direction de la plage noire. Les derniers kilomètres en pleine forêt semblent interminables sous cette chaleur. Mes pieds commencent à surchauffer. Avec ma petite baignade, la peau gorgée d’eau s’est détendue et sensibilisée, rendant tout frottement avec la chaussure, au contact d’un sol ardent, beaucoup plus douloureux, le tout provoquant d’inévitables ampoules. J’ai beau m’arrêter pour tenter de sécher chaussettes, chaussures, mes pieds et badigeonner l’ensemble de talc…mais le mal est déjà fait et je ne suis pas encore arrivé.
A 14h à destination, c’est l’heure des constats. Cette plage est entièrement sauvage avec peu d’abri à l’ombre ; pas de possibilité de rester là. Je commence à fatiguer, mes pieds ne sont pas au meilleur de leur forme, j’ai environ 1.5 litres d’eau restant, quelques kilomètres avant le prochain village, sûrement plus avant le prochain coin ou dormir et le plus important, six heures avant le coucher du soleil. A savoir le temps qu’il me reste pour régler tous mes problèmes, tout en profitant de la plage pour laquelle je me suis donné tant de mal à venir. D’autant que c’est sensé être l’un des meilleurs coins de l’île pour observer les fonds marins.
Après quelques boosts énergétiques sous forme de céréales et autres chocolats caramélisés naturellement fondus, je pars à l’aventure aquatique. Il n’y a pas un chat, c’est donc seul que je vais à la rencontre des curiosités marines. Après quelques passages sympathiquement peu profonds, je tombe sur ce que j’espérais ; un trou dans l’océan offrant beaucoup plus de spécimens de toutes tailles à observer. L’excitation est là, mais il y a un problème. Sans palme ni tuba, avec mon simple souffle et mes pieds plats, je me rends compte que je ne fais pas le malin face à la force des courants qui m’attire vers le large. Fatigué des efforts de la journée, l’excitation se transforme malheureusement en panique et manque de confiance. Après m’être fatigué encore plus en combattant le courant pour essayer ne serait ce que faire du sur place, c’est avec frustration que je décide qu’il est bien grand temps de sortir de l’eau avant d’être trop épuisé. Pour rappel, je ne suis pas encore sorti d’affaires pour aujourd’hui.
Une frustration appelant toujours un nouveau défi afin de recentrer ses émotions sur un objectif simple et précis, je décide que je dormirai à Apia ce soir, à savoir à une quarantaine de km au Nord, bouclant ainsi la boucle de mon petit séjour.
Vers 15h30, c’est une reprise de marche quelque peu douloureuse, mais le chocolat fait son effet – pour le moment. Je passe un premier village où j interroge sur un potentiel bus pour la capitale, on me dit qu’il y en peut être un dernier ce soir. J’en profite pour acheter une bouteille de  cette boisson gazeuse à l’orange que je descends d’une traite. Un deuxième village selon lequel il en est fini pour les bus, je dois me rabattre sur un taxi. Je refuse ; trop cher.
J’achète et vide une deuxième bouteille.
Il est 17h, c’est avec un taux de sucre dans le sang assez élevé que j’arrive au croisement des routes. Vers l’Ouest, un endroit potentiel pour dormir non loin d’ici dont je ne connais par contre pas les tarifs. La majorité des commerces ici fonctionnant uniquement en espèces et ayant retiré un montant minimum quelques jours plus tôt, je dois faire les bons calculs pour ne pas me retrouver ruiné au milieu de nul part. Vers le Nord, la route de la capitale qui est encore longue. Bien trop longue pour arriver avant la nuit avec l’unique force de mes jambes, bien qu’il s’agisse de mon objectif du jour. L’hésitation s’installe. L’orage éclate.
Par acquis de conscience, bien que tout soit stocké à l’intérieur dans des sacs hermétiques, j’arme mon sac à dos de sa capote anti-pluie. En me voyant faire, un Samoan me fait signe de venir me mettre à l’abri. Ce sera fini dans quelques minutes qu’il me dit, autant rester au sec en attendant. Il m’interroge sur mes plans, puis ne tarde pas à m’informer avec soulagement que le dernier bus pour Apia n’est pas encore passé. Je n’ai qu’à l’attendre ici, il devrait arriver d’un moment à l’autre. Trempé mais ravi, je m’exécute tout en profitant pour sympathiser avec le reste de la troupe qui partage, le temps d’une averse, le même abri de fortune.
Me voilà donc une heure plus tard, sur le parking de la gare routière qui m’avait vu arriver trois jours auparavant.
C’est dans ces journées riches en émotions qu’on a le plus besoin de réconfort. Qu’à cela ne tienne, ce soir je me prends une vraie chambre au Marina Hôtel et je savoure un vrai repas : un Fish and Chips!
Car oui ma petite dame, le fish and chips Samoan mérite son pesant d’or. La soirée se termine sous fond de clichés nocturnes, continuant à approfondir le maniement de mon nouveau bébé photographique que j’aime de plus en plus : l’Alpha 7 de Sony.

 
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Posted in 2014 : Samoa the 20th of January, 2014